1.1. Vue d’ensemble

Le nombre des personnes vivant seules ne cesse d’augmenter en France depuis les années soixante. De l’ensemble des ménages, ceux d’une personne ont eu le développement le plus rapide (leur effectif augmentant deux à trois fois plus vite que le nombre des autres types de ménages). Ils représentaient 19% des ménages vers 1950, 20% vers 1960, 22% vers 1970, 24% vers 1980, 27% en 1990/91, 28% en 93/94 12 . En 1998, 30% des ménages étaient des ménages d’une personne (soit 12% de la population) 13 .

Ce mouvement est constaté aussi en Europe : sur l’ensemble des douze pays européens, plus d’un ménage sur quatre en moyenne est un ménage d’une personne. Il semble s’être diffusé du Nord vers le Sud et l’augmentation se révèle plus importante et plus rapide dans les grandes villes que dans les campagnes 14 . L’augmentation des ménages d’une personne est aussi massive aux Etats-Unis et au Canada où leur nombre, pour ce dernier, a même quadruplé entre 1960 et 1981 15 .

Une part importante de ces ménages comprend des personnes âgées : la moitié a 65 ans et plus en 1981 16 . Ceci s’explique notamment par le fort déclin de la cohabitation entre les générations aux âges élevés, et par l’allongement de la durée de la vie 17 . Ce sont principalement des femmes qui vivent seules à ces âges : en 1996 «‘la part des femmes vivant seules dans leur logement passe d’environ 20% entre 60 et 64 ans, à 60% pour les plus de 80 ans. Les hommes âgés sont moins souvent seuls dans leur logement : en 1996, 12% vivent seuls entre 60 et 64 ans, et 26% après 80 ans’ » 18 .

Mais les principaux responsables de l’accroissement des monoménages sont les individus ayant entre 20 et 35 ans. Entre 1984 et 1996 leur pourcentage a augmenté sensiblement 19 . Cette augmentation est pour une part liée au report des engagements familiaux, et au fait que lorsque les enfants quittent le domicile familial (de plus en plus tardivement), c’est plus souvent qu’auparavant pour vivre seul.

Une proportion importante des ménages d’une personne sont des femmes. Ceci est surtout vrai pour les catégories les plus âgées (les femmes ont une espérance de vie supérieure aux hommes) et les plus jeunes (les filles décohabitent plus tôt que les garçons). Aux âges intermédiaires, le déséquilibre entre les sexes apparaît faible. En cas de divorce, les femmes ont plus souvent la garde des enfants : elles sont alors comptées comme familles monoparentales. Au niveau européen, «‘globalement il y a deux fois plus de femmes que d’hommes en situation de ménage d’une personne mais entre 30 et 45 ans les hommes sont plus nombreux’» 20 .

Pour ceux qui exercent une activité professionnelle, la distribution des ménages d’une personne en termes de position sociale, révèle l’existence d’une surreprésentation de deux catégories, les plus pauvres et les plus aisées, surtout lorsque l’on croise la dimension sociale avec le sexe. Les femmes se mariant plutôt avec des hommes qui ont une position sociale supérieure à la leur, deux catégories se trouvent pénalisées sur le marché matrimonial et conjugal : les hommes salariés agricoles et les femmes diplômées 21 . Cependant, l’accès au logement ne se distribuant pas de manière égale selon les milieux sociaux, et étant même un indicateur d’intégration sociale, les catégories les plus précaires ne peuvent accéder à un logement indépendant et n’apparaissent donc pas dans les statistiques. Ces dernières sont d’une manière générale à nuancer lorsque les données sont issues des recensements généraux de la population. Ainsi, si l’augmentation massive des ménages d’une personne au niveau de l’ensemble des pays européens n’est pas contestable, il semble que leur nombre soit sous ou surestimé selon les pays 22 .

Notes
12.

KAUFMANN, 1999, p. 181.

13.

PAN KE SHON, 1999.

14.

La distribution spatiale des ménages d’une personne en France varie notamment selon l’âge et le niveau d’urbanisation : ils sont plus jeunes à mesure que le niveau d’urbanisation monte (LAVERTU, 1993).

15.

ROUSSEL, 1983, p. 997.

16.

Idem, p. 1001.

17.

Pour 1999, l’espérance de vie est estimée à 74,9 ans pour les hommes et 82,3 ans pour les femmes. L’écart entre l’espérance de vie des hommes et celle des femmes est de sept ans et demi (KERJOSSE, 2000).

18.

FLIPO, LE BLANC, LAFERRERE, 1999.

19.

Cette augmentation concerne toutes les classes d’âge entre 20 et 35 ans. Pourcentage des hommes vivant seuls dans un logement en 1984 et 1996 : en 1984, 7% des hommes de 20-23 ans vivaient seuls dans un logement (12% en 1996) ; 9% des hommes de 24-27 ans (16% en 1996) ; 8% des hommes de 28-31 ans (14% en 1996) ; 6% des hommes de 32-35 ans (10% en 1996). Pourcentage des femmes vivant seules dans un logement en 1984 et 1996 : en 1984, 10% des femmes de 20-23 ans vivaient seules dans un logement (15% en 1996) ; 10% des femmes de 24-27 ans (14% en 1996) ; 6% des femmes de 28-31 ans (10% en 1996) ; 5% des femmes de 32-35 ans (7% en 1996). FLIPO, LE BLANC, LAFERRERE, 1999.

20.

KAUFMANN, 1994a, p. 941.

21.

SEGALEN, 1993 ; DE SINGLY, 1993 ; KAUFMANN, 1994.

22.

Le cas de l’Allemagne est intéressant à noter de ce point de vue là, puisque lors des recensements, un même individu peut apparaître dans deux ménages différents si ce dernier occupe deux logements, ce qui n’est pas le cas dans les autres pays (ROUSSEL, 1983, p. 996).