1.2.2. … à une autre définition des ménages d’une personne

Jean-Claude Kaufmann a porté particulièrement attention à ces problèmes de définitions et à leurs conséquences sur le recensement des personnes vivant seules. Afin d’éviter toute ambiguïté (amalgame entre ménage d’une personne et célibataire notamment), il propose d’employer les termes de «monohabitants», «monorésidents» ou «monoménages».

Insistant sur les différences de définitions des ménages d’une personne d’un pays européen à l’autre et sur la nécessité de les homogénéiser, il invite également à élargir la catégorie à toutes les personnes vivant hors couple. Pourraient être alors comptabilisés selon lui les ménages multiples (ménages de plusieurs personnes non apparentées comme par exemple le regroupement d’étudiants dans un même appartement) et les ménages monoparentaux («‘composés d’un seul adulte, ces ménages peuvent être associés à la catégorie des monohabitants dans une définition large’» 26 ). Il s’agirait aussi d’exclure de la catégorie des monohabitants, les couples non-cohabitants qui sont souvent recensés comme vivant hors couple alors qu’ils ne se perçoivent pas comme tel. Selon nous, vouloir élargir la définition des monohabitants aux personnes vivant hors couple revient à confondre deux dimensions antinomiques : dès lors que les ménages d’une personne sont définis comme des personnes vivant seules dans leur logement, il nous semble impossible d’en élargir la définition aux personnes vivant hors couple, et partageant éventuellement un espace d’habitation avec d’autres personnes. Une confusion entre ‘‘vie hors couple’’ et vie ‘‘solitaire’’ apparaîtrait alors. De ce point de vue là, il nous semble au contraire pertinent de considérer comme monohabitants les personnes vivant seules et entretenant une relation amoureuse stable. Dans le même sens, ceux que Jean-Claude Kaufmann appellent «les solos» (les personnes vivant seules et n’entretenant pas de relation amoureuse stable) représentent une forme particulière de monorésidentialité.

L’élargissement de la définition des ménages d’une personne à ceux vivant hors couple avait notamment pour objectif et intérêt de desserrer la rigidité du concept de «monohabitant», et d’approcher ce qui se jouait au niveau de la vie hors couple. En même temps, il révèle une sorte de glissement dans l’appréhension du phénomène qui n’est pas anodin, puisqu’il tend à associer monorésidentialité et absence de lien amoureux stable. Or, s’intéresser aux gens vivant seuls, quelle que soit leur situation matrimoniale ou conjugale, est tout autant pertinent : cela permet de voir d’autres dimensions importantes de la monorésidentialité et notamment ce qui touche à la multiterritorialité. Cette recherche a notamment pour intérêt d’appréhender, au-delà d’une situation commune (vivre seul), les différences en matière de vie privée. La dimension conjugale ou matrimoniale n’est pas donnée ou connue par avance. Il s’agira plutôt de voir dans quel «état-type de vie affective et sexuelle» les ménages auxquels nous allons nous intéresser s’inscrivent. Jean-Claude Lavigne et Marie-Thérèse Arbet définissent trois états-types 27 :

Ces états-types sont pertinents car ils évitent la confusion entre vie ‘‘solitaire’’ et vie hors couple, entre la composition du ménage et l’état civil (le célibat).

Notes
26.

KAUFMANN, 1994a, pp. 938-939.

27.

LAVIGNE, ARBET, 1992, p. 17.