2.1. Construction de l’échantillon

Souhaitant analyser les modes de coexistence entre étudiants et non-étudiants, il était nécessaire d’interroger autant de membres d’une catégorie que de l’autre : l’objectivation des différents points de vue implique la possibilité de les comparer. Les étudiants étant largement majoritaires, l’échantillon retenu au sein de chaque résidence n’est pas représentatif de la population.

La construction de l’échantillon est dépendante de la façon dont a débuté l’enquête au sein de la résidence A. Ce sont les éléments d’informations recueillis dans ce contexte qui nous ont inclinés à construire un échantillon représentant de manière égale les deux principales catégories d’habitants 135 . Dans la mesure du possible, nous souhaitions également interroger, pour chacun des deux groupes, autant d’hommes que de femmes. Nous avons gardé ce mode de construction de l’échantillon pour les trois autres résidences.

Compte tenu des exigences de l’échantillon et de l’enquête, j’avais besoin de connaître le nom des habitants comme leur activité professionnelle. Les non-étudiants étant moins nombreux, il s’agissait de les identifier. Le mode d’accès aux habitants a été très différent entre la résidence A et les trois autres résidences.

La responsable de la résidence A, souhaitant préserver l’anonymat des résidents, refusa que j’accède aux dossiers des habitants. Pour autant, des circonstances particulières qu’il n’est pas nécessaire de préciser ici, m’ont permis de savoir nommément, qui, parmi les habitants, n’étaient pas étudiants. J’ai donc eu accès directement à l’information qui consistait à différencier les étudiants et les actifs. Afin de pouvoir joindre ces personnes je suis partie de la liste des abonnés au téléphone. Les habitants qui n’avaient pas de téléphone, ceux qui étaient sur liste rouge ou avaient un téléphone portable (pratique alors encore relativement rare) ont été de fait exclus de l’enquête. J’ai ensuite contacté par courrier une trentaine d’habitants, suivi plus tard d’un appel téléphonique visant à fixer un rendez-vous. Vingt ménages ont été interrogés.

En ce qui concerne les autres résidences j’ai procédé de manière différente. L’accès direct aux dossiers des habitants m’ayant été refusé, je n’avais pas d’autres solutions que de partir directement de la liste des abonnés au téléphone. Mais cette liste ne m’informait bien sûr pas de l’activité que la personne exerçait (étudiante ou non). J’ai donc sollicité les responsables des résidences afin qu’ils précisent, par écrit et directement sur la liste, cette information. Cela présupposait qu’ils connaissent et aient en mémoire l’ensemble des habitants et qu’ils puissent les différencier selon le principe demandé. Ils semblaient tous avoir une bonne connaissance de la population et n’ont pas eu de difficulté à répondre à ma demande. Cela impliquait surtout, contrairement à la résidence A, un mode d’accès indirect à l’information dont dépendait la constitution de l’échantillon (les responsables jouant le rôle d’intermédiaire). Les commentaires qu’ils ont alors formulés, tout en précisant si tel ou tel habitant était étudiant ou non, confirmèrent que la définition de la population de l’immeuble comme sa visibilité, représentaient un enjeu pour eux. Ainsi, je ne devais pas contacter tel ou tel individu (non-étudiant) car il était «fou», «bizarre» ou souhaitait «se faire oublier». Un autre au contraire était jugé «très correct». Ces consignes ou conseils, que je gardais en tête sans penser bien sûr les suivre, constituaient des informations très enrichissantes du point de vue des traits, des critères que les responsables associaient aux habitants, comme du rapport qu’ils entretenaient à l’enquête. J’eus le sentiment aussi que je les avais mis en position de rendre plus ou moins visible, à mes yeux, tel ou tel individu : les étudiants étant toujours beaucoup plus nombreux, les responsables avaient la possibilité, dans le cas où ils ne souhaitaient pas que j’interroge tel habitant non-étudiant, de l’identifier comme étudiant. Ce risque s’est avéré fondé puisque j’ai pu me rendre compte par la suite, que le statut de certains habitants ne correspondait pas à la réalité.

Les habitants identifiés par les responsables, j’ai tiré au sort autant de non-étudiants que d’étudiants et les ai contactés de la même manière que je l’avais fait pour la résidence A.

Notons enfin que les entretiens se sont déroulés dans le logement des habitants, ce qui a favorisé un discours sur la vie quotidienne au sein de la résidence, comme rendu possible l’observation directe de la façon dont le logement était agencé, meublé, décoré, etc.

Notes
135.

Informations concernant la structure objective de la population (sexe, âge, activité professionnelle), discussions informelles avec le gardien et avec des habitants rencontrés dans l’immeuble, entretien avec la responsable de la résidence.