1.4.2. Les actifs eux-mêmes se sentent atypiques

On retrouve ce sentiment d’illégitimité chez les actifs eux-mêmes. Ils sont souvent surpris d’être sollicités afin de s’entretenir de la résidence. Ils ne se perçoivent pas comme des interlocuteurs légitimes. Ceci est notamment lié au fait qu’ils se sentent atypiques, décalés par rapport à la population de l’immeuble.

  • «c’est pas un très bon choix de m’avoir appelé, je dois être atypique»
    Patrick, 42 ans, contrôleur de gestion dans une grande entreprise privée.
  • «je suis un peu atypique on va dire par rapport à la population moyenne...
    - dans quel sens ?
    - déjà je ne suis pas étudiant... ça fait un an et demi que je suis là, ça commence à faire long donc je pense pas que ce soit... comment dirais-je... le locataire moyen de l’immeuble»
    Patrice, 32 ans, ingénieur - consultant.
  • «je suis peut-être un cas particulier par rapport à ceux que vous avez rencontrés... je ferai partie des petites stats (il sourit)»
    Raoul, 40 ans, ingénieur.
  • «je suis quelqu’un d’atypique»
    Sylvain, 46 ans, concepteur en informatique.
  • «je suis un petit peu atypique (...) ma situation est un peu particulière»
    Victor, 52 ans, directeur de région dans une administration publique.

L’emploi fréquent du terme «atypique» exprime bien le sentiment de ne pas correspondre au portrait moyen des habitants des résidences. Les actifs perçoivent leur présence dans les lieux comme exceptionnelle, inhabituelle. En revanche, celle des étudiants va de soi. Le sentiment d’être atypique se pense, s’organise à partir des caractéristiques typiques de la population étudiante. De ce fait, les traits mis en avant afin d’expliciter sa différence sont ceux ayant trait à l’activité professionnelle et à l’âge. Cependant, Patrice laisse apparaître la durée d’ancienneté dans l’immeuble comme autre critère de différenciation. L’opposition anciens-nouveaux habitants structure souvent les relations de voisinage. Mais ce qui est intéressant ici, et nous y reviendrons, c’est que les anciens habitants sont aussi ceux qui se sentent le plus en marge.