1.5.2. Contre la coexistence des étudiants et des actifs

Les habitants souhaiteraient de façon générale entretenir des liens plus étroits avec leurs voisins. Ils regrettent que les relations ne soient pas plus fréquentes. Est mise en cause alors plus ou moins explicitement la population de l’immeuble.

L’analyse des discours des étudiants révèle qu’ils imputent l’absence de relations entre les habitants à la présence des actifs dans les résidences.

  • «au début au mois d’octobre il y avait beaucoup de monde, je croisais beaucoup, beaucoup de monde mais là je ne croise plus personne dans les escaliers, dans l’ascenseur... c’est souvent des gens en plus qui ont 35, 40 ans donc je ne trouve pas forcément beaucoup de choses à leur dire»
    Judith, 21 ans, étudiante en licence de lettres modernes.
  • «en début d’année j’ai pas mal été spontanément chez mes voisins mais je trouve ça étonnant que l’inverse ne soit pas vraiment... ne soit pas vrai... j’ai l’impression que ça se fait assez peu... c’est peut-être dû au fait qu’il y a autant d’étudiants que de gens qui travaillent... ce n’est pas une résidence qui est exclusivement étudiante...»
    Thierry, 20 ans, étudiant en 1
    ère année de D.E.U.G. de philosophie.

L’absence de contacts entre les habitants est associée à la présence des actifs. Implicitement, il s’agit de dire que les relations seraient plus fréquentes et plus nombreuses si les résidences étaient habitées uniquement par des étudiants. La présence des actifs est perçue comme limitant les relations (les étudiants n’ont pas «beaucoup de choses à leur dire») mais aussi comme contraignant les relations spontanées que les étudiants pourraient avoir entre eux.

La même idée transparaît à travers les discours des actifs. C’est la présence des étudiants qui est ici pointée du doigt. Cependant, leurs discours se distinguent de ceux des étudiants par le fait qu’ils remettent moins directement et explicitement en cause la présence des étudiants.

  • «- est-ce qu’il vous arrive de discuter avec des gens ici...
    - non... discuter... deux, trois mots dans l’ascenseur ou en bas pour débrouiller quelqu’un parce que le système de parking est assez complexe (...) mais sinon à part ça... j’ai pas eu trop... je rencontre pas mal de jeunes, je pense qu’il doit y avoir pas mal d’étudiants»
    Ludovic, 28 ans, ingénieur.
  • «il y a souvent des gens en bas donc si on a envie de parler on peut toujours descendre c’est... bof... (il réfléchit, souffle)... c’est pas toujours de ma génération... c’est des étudiants qui sont quand même beaucoup plus jeunes que moi donc on a pas les mêmes centres d’intérêts mais pourquoi pas... il y a quand même des gens à l’étage qui sont plus âgés...»
    Patrice, 32 ans, ingénieur - consultant.

L’idée selon laquelle la présence des étudiants limiterait les possibilités de contacts n’est pas toujours explicite. En ce qui concerne Ludovic, c’est plutôt la façon dont il associe la faible intensité de ses contacts et le fait qu’il rencontre principalement des étudiants, qui l’illustre. Patrice s’exprime plus directement en insistant sur la différence d’âge et d’activité. Réfléchissant à haute voix, il aborde tout d’abord les possibilités de rencontres puis se reprend et nuance son discours en imaginant le type de population avec lequel il est susceptible d’être en présence : «c’est pas toujours de ma génération». Lorsqu’il envisage de nouveau des relations avec les habitants, il évoque des actifs «plus âgés», et donc des membres de sa propre catégorie.