1.5.3. Les actifs se sentent rejetés

Pour certains actifs (plus spécifiquement ceux habitant la résidence A) le sentiment que la présence des étudiants contraint les relations est d’autant plus fort qu’ils se sentent rejetés.

Le sentiment chez les actifs (surtout chez les plus âgés) d’une grande distance entre les étudiants et eux apparaît à travers ces extraits d’entretien. Ce qui crée de la distance c’est tout d’abord le regard des étudiants que les actifs sentent peser sur eux : «quand l’étudiant me voit», «tout est sujet à interprétation», «on se sent un peu jugé à l’apparence». Le corps, l’aspect physique est présenté comme régulant les interactions les plus anodines (se saluer, se croiser). Ce regard est d’autant plus lourd à supporter qu’il renvoie une image de soi dévalorisante : l’âge devient un «problème», il est associé à d’autres critères discréditants («vieux con»). Il devient alors «effrayant» de prendre conscience que sa seule présence peut provoquer un profond malaise ou un sentiment de menace («s’ils pouvaient se mettre dans le petit coin au fond de l’ascenseur ils le feraient»). Les actifs se sentent rejetés. Un sentiment d’exclusion suffisamment fort pour laisser à penser que les étudiants leur «ferment la porte au nez», qu’il y a «une barrière» entre ces deux groupes d’habitants, qu’ils ne les «acceptent pas». Les étudiants «sont dans leur monde», expression au double sens révélateur : elle insiste sur l’idée que les étudiants vivent entre eux, à leur façon, et en même temps que la résidence constitue leur territoire. Cette notion de territoire apparaît également à travers les discours de Ludovic exprimant le sentiment qu’il existe des normes diffuses au sein des résidences et notamment en ce qui concerne la population. En filigrane, le poids du regard des étudiants s’articule avec le sentiment pour les actifs d’être atypique.

En conclusion, la grande majorité des habitants souhaitent entretenir davantage de relations avec les autres habitants (et plus précisément avec les membres de sa propre catégorie). Certains habitants sont profondément déçus par l’absence de liens. Ils pensaient a priori que les contacts seraient nombreux et faciles. Chacun des deux groupes accuse la présence de l’autre groupe perçue comme limitant les relations. Les relations entre actifs et étudiants apparaissent plus contraignantes et douloureuses pour les actifs qui se sentent rejetés par les étudiants.