1.6.3. La salle de musculation

Seules les résidences A et C possèdent une salle de gymnastique. Elles comprennent un ensemble d’appareils qui permettent de faire de la musculation : vélo, rameur, banc avec haltères, appareil de musculation des dorsaux. Elle est peu utilisée. Six habitants de la résidence A sur les vingt interrogés par entretiens ont déclaré l’utiliser ou l’avoir utilisée régulièrement, mais un seul a déclaré l’avoir fréquentée la semaine précédant l’entretien. Les habitants de la résidence C sont encore moins nombreux à la fréquenter  : seuls deux habitants sur les 18 interrogés la fréquentent régulièrement. Ce service, de façon générale, est un peu plus souvent utilisé par les actifs que par les étudiants.

La salle de gymnastique favorise-t-elle les relations entre les habitants ? Les avis sont partagés. Certains déclarent n’y voir jamais personne, d’autres y faire des rencontres.

Seule Madeleine fait référence a des contacts réguliers avec d’autres habitants (des étudiants) au sein de la salle de gymnastique. Dans tous les cas, les discussions qui y prennent place ne semblent pas provoquer de rapports plus étroits. Au contraire, les relations peuvent devenir plus distantes comme l’illustrent les propos de Fabrice. Ce dernier a fréquenté la salle de gymnastique pendant plusieurs mois à raison d’une à deux fois par semaine, mais a pris depuis peu un abonnement dans un club de sport du quartier. Il est difficile de déterminer dans quelle mesure l’interaction racontée précédemment a pu contribuer à son choix d’opter pour la fréquentation d’une salle de gymnastique extérieure à la résidence. Cependant, ce mouvement d’abandon d’un espace commun interne à la résidence pour un espace extérieur, est assez significatif du fait que la salle de gymnastique n’est pas un espace commun qui va de soi. L’extrait suivant nous éclaire sur ce dernier point.

La fréquentation de ce lieu semble impliquer quelques difficultés. La façon dont l’enquêté aborde son arrivée dans la salle (à travers l’ensemble des questions qu’il se pose) rend compte d’un véritable parcours. La première étape concerne l’inconnu que représente l’ouverture des portes de la salle. La deuxième renvoie à la découverte éventuelle de la présence d’autres personnes. Cette dernière implique un ajustement difficile dans la mesure où l’enquêté n’a pas les informations qui selon lui, lui permettraient d’aborder au mieux l’interaction. L’usage de la salle semble d’autant plus problématique que les habitants ne peuvent savoir par avance si elle est occupée et par qui. Nous avons pensé à un moment de la recherche que le cadre matériel contraignait peut-être la possibilité de fréquenter cette salle. En ce qui concerne la résidence A, la salle de gymnastique se présente comme un espace fermé et opaque. Du couloir qui y conduit, rien de ce qui s’y passe ne transparaît (il n’y pas de fenêtres). Nous pensions que l’absence d’éléments permettant une certaine transition douce (des parois vitrées auraient pu permettre cette transition, les individus percevant, à mesure de leur avancée dans le couloir, l’intérieur de la salle ) contribuait à ne pas faciliter la fréquentation. Cependant, la porte d’entrée de la salle de gymnastique de la résidence C possède une fenêtre ronde qui permet d’apercevoir l’intérieur de la salle avant d’y pénétrer et les habitants la fréquentent encore moins souvent.

La musculation est une pratique plutôt solitaire qui met en jeu l’intimité de chacun du fait de l’activité corporelle qui s’y déroule. De ce point de vue là il est peut-être difficile de la pratiquer entre voisins. Etienne, comme le précédent enquêté, valorise plutôt le sport en plein air. Associé (par opposition) à la salle de gymnastique et aux types d’interaction qu’elle implique, cette préférence renvoie pour une part à l’évitement d’interactions jugées trop étouffantes par les efforts d’ajustements qu’elles nécessitent.

Compte tenu des difficultés qu’implique la fréquentation de la salle de sport, ceux qui la fréquentent régulièrement y vont parfois accompagnés d’un tiers n’habitant pas la résidence.

Le cadre matériel joue également un rôle sur le degré de fréquentation de la salle. Parfois, les enquêtés jugent la salle de gymnastique insuffisamment équipée.

Au-delà des restrictions sportives qu’entraîne l’insuffisance de matériel, le fait que la salle de gymnastique soit perçue comme peu équipée tend à diminuer sa dimension utilitaire et donc à accentuer celle liée aux rencontres. Ainsi, la salle de gymnastique serait d’autant moins fréquentée et les relations d’autant plus délicates à gérer, qu’elle permettrait difficilement, du fait de la rareté de ses équipements, la légitimation de la fréquentation par l’aspect strictement sportif.