1.6.4. Les distributeurs de nourriture et de boissons

Seules les résidences A et C possèdent des distributeurs de nourriture et/ou de boissons.

La partie «chambre» de la résidence A se distingue nettement des autres parties de cette résidence comme de la résidence C. L’utilisation et les représentations associées aux distributeurs y sont très différentes.

Dans cette partie de l’immeuble, l’ensemble des enquêtés utilisent au moins une fois par jour les distributeurs. C’est aussi un lieu de rencontre privilégié.

La fréquentation de la zone des distributeurs provoque donc des relations assez fortes entre habitants puisque c’est un lieu où ils discutent souvent. La fréquentation régulière et même quotidienne des distributeurs implique un certain suivi dans les relations. Souvent les enquêtés déclarent retrouver telle ou telle personne ou discuter régulièrement avec telle autre. Les habitants se connaissent alors par leur prénom, connaissent les activités des uns et des autres ; les relations semblent assez personnalisées.

La fréquentation de la zone des distributeurs apparaît permettre également une certaine maîtrise des relations de voisinage.

La dominance apparente de la dimension utilitaire légitime la fréquentation des espaces communs et par cela facilite les modes de relations. Les distributeurs autorisent un double rapport : recherche ou évitement des relations. Cette sorte de double lecture permet aux habitants de contrôler les relations, le repli sur le logement apparaissant tout autant légitime que la fréquentation de la zone des distributeurs.

Les habitants des autres parties de la résidence A ainsi que ceux de la résidence C utilisent et se représentent différemment les distributeurs. Tout d’abord ils sont très peu utilisés. Au sein de l’immeuble A seuls trois enquêtés sur les 14 interviewés habitant les parties «deux-pièces» et «studios», ont déclaré les utiliser «de temps en temps». Aucun n’a déclaré les avoir utilisés pendant la semaine précédant l’entretien. Pour l’ensemble des habitants interrogés, la représentation dominante se rapporte à l’aspect dépannage.

Ici l’utilisation des distributeurs est perçue uniquement comme un recours possible vis-à-vis d’une organisation domestique défaillante. Ce n’est pas un espace de sociabilité.

Ainsi la façon dont sont perçus les distributeurs est très différente selon que l’on considère la partie «chambres» de la résidence A (ou les autres parties de cette résidence) ainsi que la résidence C. Le cadre matériel comme le mode de gestion peuvent expliquer en partie les différences.

Les distributeurs de la partie «chambres» de la résidence A se situent plutôt sur un lieu de circulation, d’autant plus fréquenté qu’il correspond à l’entrée de l’immeuble (où sont situés les boîtes aux lettres, les ascenseurs, la loge du gardien) et qu’il donne accès à un couloir permettant de se rendre dans les autres salles communes. Des chaises et des tables sont présentes invitant à s’asseoir et à rester un moment.

Les distributeurs des parties «deux-pièces» et «studios» de la résidence A se situent à un étage spécifique qui rassemble uniquement les espaces communs, on l’a vu peu fréquentés.

Le distributeur de la résidence C se trouve également au rez-de-chaussée, cependant il est davantage isolé et excentré que celui de la partie «chambres» de la résidence A. De plus, monter plusieurs marches est nécessaire afin d’y accéder ce qui souligne une séparation avec l’espace plus continu de l’entrée. Il n’y a ni chaise, ni table près des distributeurs.

La qualité des produits distribués est aussi à prendre en considération : ils sont différents notamment du point de vue du degré de convivialité qu’ils impliquent. Seuls les distributeurs de la partie «chambres» de la résidence A distribuent des boissons chaudes. Les distributeurs des parties «deux-pièces» et «studios» de l’immeuble A ainsi que ceux de la résidence C, comprennent, outre des boissons froides et quelques friandises, des produits à dimension plus individuelle, moins conviviale, renvoyant plutôt à l’organisation domestique, au foyer (plats individuels cuisinés, sacs de lessive, etc.).

Le mode de gestion de ces distributeurs explique également les différences. Le distributeur de la résidence C implique un paiement par pièces et les habitants jugent parfois les produits trop onéreux. Les habitants de la partie «deux-pièces» et «studios» de la résidence A doivent faire l’acquisition, auprès du gardien, d’une carte spécifique qui leur est facturée. En revanche, pour les habitants de la partie «chambres» cette carte est distribuée tous les mois, sans facturation supplémentaire : son montant est compris dans le loyer et cela quelle que soit l’utilisation qu’en font effectivement les habitants.

Le fait que la carte soit comprise dans le loyer incite les habitants de la partie «chambres» à utiliser les distributeurs. Epuiser la carte renvoie à un comportement normal et rationnel. L’utilisation et la fréquentation de la zone des distributeurs n’en sont que plus légitimes. Ils sont effectivement très fréquentés et favorisent nettement les relations entre les habitants.