1.6.6. Conclusion

Les espaces collectifs apparaissent peu investis. Moins de la moitié des résidents interrogés ont déclaré utiliser la laverie. Un ménage sur quatre fréquente régulièrement la salle de télévision, un ménage sur cinq fait usage (ou a fait usage) de la salle de musculation. Seuls les distributeurs de la résidence A sont investis. Le billard semble constituer aux yeux des habitants un lieu de sociabilité, mais seul un ménage sur cinq a déclaré y avoir joué au moins une fois.

Plusieurs facteurs principaux apparaissent jouer sur la fréquentation des espaces collectifs.

‘La position résidentielle’ : ceux qui fréquentent la laverie sont principalement des habitants à résidence unique et donc plus souvent des actifs.

‘Le cadre matériel et le mode de gestion des espaces et services collectifs’ : un même service est fréquenté inégalement et favorise plus ou moins les relations de sociabilité, selon la façon dont il est agencé et géré. C’est notamment ce que nous avons vu avec les distributeurs de boissons (espace convivial ou non, utilisation comprise dans le loyer ou non, etc.) et la laverie (une machine à laver ou plusieurs). Le cadre matériel joue également un rôle en ce qui concerne la fréquentation de la salle de musculation : trop sommaire, le matériel rend plus prégnant la dimension relationnelle et les lieux sont alors plutôt discrédités.

‘Le sentiment de légitimité à fréquenter tel ou tel espace commun’ : les actifs ne se sentent pas autorisés à fréquenter certains services qui apparaissent plutôt réservés aux étudiants. La légitimité à fréquenter la salle de télévision est liée au fait de ne pas posséder un poste, ce qui est perçue comme allant de soi pour les étudiants et au contraire impensable pour les actifs. Le billard est également envisagé comme une activité réservée aux étudiants.

‘La fréquentation de l’espace’ : moins un espace collectif est fréquenté par les habitants plus il est déserté. C’est le cas notamment de la salle où sont servis les petits déjeuners au sein de la résidence D.

La façon dont se combinent ces différents facteurs nous incline également à distinguer plus globalement les espaces collectifs selon qu’ils favorisent ou non les relations entre les habitants, ainsi qu’à prendre en considération les représentations associées à ces espaces (et pas seulement la fréquentation effective). Cette distinction se double d’une partition entre étudiants et actifs.

Les étudiants monopolisent les espaces communs qui offrent une propension (ou potentialité) plus grande au développement de la sociabilité : le billard, la salle de télévision, les distributeurs (tels qu’ils sont agencés dans la partie «chambres» de la résidence A). Ce sont plutôt des espaces ouverts, souvent situés vers l’entrée des immeubles et qui laissent aisément apercevoir ceux qui les fréquentent. Au-delà des pratiques effectives, les habitants se représentent ces espaces comme réservés aux étudiants.

Au contraire, les actifs fréquentent plutôt des espaces à faible potentialité relationnelle : la salle de gymnastique, la laverie. Ce sont des espaces clos, souvent excentrés de l’entrée de l’immeuble. Les contacts qui s’y actualisent sont également plus difficiles à gérer. Ils concernent une activité individualisée et se rapportant à l’intimité : dans les deux cas la question du rapport au corps (linge de corps, entretien du corps) est en jeu. Néanmoins, c’est parce que ces espaces sont mixtes (coprésence d’hommes et de femmes) que cette question de l’intimité pose des difficultés et entraîne des tensions.