1.2. Le critère de l’âge au cœur du processus de stigmatisation

En définissant les actifs comme des «vieux», les étudiants placent la question des divisions entre les âges au centre des débats. Apparemment ‘‘démocratique’’ et de l’ordre de la nature, très souvent employé afin de classer les individus, le critère de l’âge apparaît neutre et objectif. Il «‘fonctionne comme une ressource d’identification, permettant l’inférence d’éléments biographiques, et plus globalement leur interprétation. A un âge déterminé est en effet associée une compétence relative à certains types d’activités. L’indication de l’âge biologique des individus permet en conséquence de s’assurer de la normalité de leurs comportements, autorisant ainsi l’exercice d’une forme de contrôle social’» 208 .

Le transfert de l’opposition étudiants-actifs sur le terrain des âges de la vie (opposition jeunes-vieux) permet d’entériner l’évidence de l’exclusion symbolique des actifs, comme il contribue à l’intériorisation du processus de stigmatisation par les actifs.

Le fait que les étudiants, après avoir employés le terme «vieux», ajoutent souvent «entre guillemets» est intéressant à souligner. Cela illustre tout d’abord que ce procédé de légitimation de l’incongruité de la présence des actifs, comporte des limites : apposé le terme «vieux» aux non-étudiants implique d’imposer comme légitime le fait de penser qu’on est vieux à trente ou quarante ans (la dimension objective du critère de l’âge est ici menacée, contrariée). Cela souligne également que les coupures en classes d’âge sont un enjeu de manipulation, qu’elles sont construites socialement (ce ne sont pas des données) et qu’elles varient selon les contextes sociaux 209 .

Notes
208.

BLÖSS, FERONI, 1991, p. 149.

209.

BOURDIEU, 1984.