1.7. Rôle des responsables dans le processus de stigmatisation des actifs

Quel rôle les responsables des résidences jouent-ils dans le processus de stigmatisation des actifs ? Répondre à cette question est problématique. Les résistances des responsables à l’encontre de l’enquête, tout comme l’impossibilité d’observer précisément les modalités de contacts entre résidents et responsables, ont constitué un frein au recueil d’informations pertinentes, ce qui contrarie l’analyse. Une observation précise et rigoureuse de la façon dont les responsables gèrent les contacts quotidiens avec les habitants, et plus particulièrement de ceux qui les mettent en situation d’interaction avec les deux groupes, nous aurait notamment permis d’apercevoir si les responsables s’alliaient plutôt à l’une ou l’autre des catégories. Plus largement, nous aurions pu saisir dans quelle mesure les responsables participaient à l’imposition des normes établies ainsi qu’à l’apprentissage et l’intériorisation de ces normes par les actifs.

L’étude des discours des responsables (critiques envers certains actifs) comme celle de leur rapport à l’enquête (ils ont tenté de dissimuler la présence des actifs les plus stigmatisés), nous ont tout d’abord laissé penser qu’ils faisaient en quelque sorte alliance avec les étudiants. Néanmoins, la présence des actifs est favorisée et de fait acceptée par les responsables. En outre, les actifs jugent le plus souvent positivement les contacts qu’ils entretiennent avec eux. «Sympathiques», «agréables», «cordiales» sont les termes souvent employés afin de les définir. Certains parlent même de relations suivies et «amicales». Ils expriment rarement de sentiments de rejet ou de mise à distance.

Nous avons vu également que les étudiants, tout en remettant en cause la présence des actifs, contestaient le processus de sélection effectué par les responsables. Ceci constitue une façon de dire qu’ils ont été défaillants, qu’ils n’ont pas joué leur rôle, et nous incline à contredire l’hypothèse d’une éventuelle alliance implicite entre eux.

En définitive, les relations entre habitants et responsables sont ambiguës et ambivalentes. Elles sont ambiguës car les responsables apparaissent ‘‘jouer un double jeu’’ : les actifs comme les étudiants semblent avoir été trompés concernant la réalité de la population au moment de la visite des lieux. Les responsables entretiennent également un rapport ambivalent aux actifs, leur présence étant à la fois valorisée (notamment pour des raisons économiques) et non assumée (cela de manière inégale selon les résidences).

La question du rôle des responsables des résidences (et plus généralement du personnel) dans la configuration des relations entre actifs et étudiants reste, à ce stade de l’exposé, en suspens. Une analyse transversale des données trouve ici ses limites. Les relations que les habitants entretiennent avec les responsables varient moins selon les catégories d’habitants que selon les résidences. Le rôle et la fonction des responsables, le personnel présent, ne sont pas identiques d’une résidence à l’autre. Le cadre bâti comme le mode de gestion des résidences, favorisent également de façon inégale les contacts entre habitants et responsables. L’étude des formes de différenciation entre les résidences (chapitre IV) nous permettra donc de clarifier cette question.