Les stratégies de présentation de soi des actifs les plus stigmatisés se distinguent de celles des actifs qui sont mieux tolérés (les actifs à double résidence).
«‘Etant donné le grand avantage qu’il y a à être considéré comme normal, quiconque ou presque, est en position de faire semblant n’y manquera pas à l’occasion. Qui plus est, il est fréquent que le stigmate soit de ceux qu’on ne saurait convenablement divulguer à des inconnus’» 266 . Ainsi, les actifs résistent parfois à l’objectivation en retenant et dissimulant les informations risquant de leur faire perdre la face. C’est le cas notamment des actifs demandeurs d’emploi. Valentin en constitue un bon exemple. Nous avions fixé un premier rendez-vous. Il n’était pas dans son logement à l’heure convenue ; je l’avais néanmoins aperçu dans la résidence. Le second rendez-vous a donné lieu a un entretien très tendu. Je semblais le déranger. Il s’affairait à son ordinateur répétant qu’il était «débordé de travail». Il ne savait pas que je connaissais sa situation professionnelle réelle et à aucun moment durant l’entretien il n’y a fait référence. En même temps, compte tenu que l’absence d’activité professionnelle est très stigmatisante pour les actifs (elle rend suspecte la présence dans les lieux), il a tenté de neutraliser cette «information destructrice» 267 en jouant un rôle, en composant son identité de façon à imposer une image de lui en complète rupture avec la réalité de sa situation. Si cet enquêté ‘‘fait semblant’’ c’est bien qu’il se sent menacé. Le processus de stigmatisation est sans doute d’autant plus douloureux pour ceux qui en sont victimes, qu’il les renvoie à la difficulté et à la précarité de leur situation objective, ici le chômage.
GOFFMAN, 1975, p. 93.
Elle renvoie aux « faits qui, s’ils attiraient l’attention durant la représentation, pourraient discréditer, ruiner ou rendre inutile l’impression qu’elle produit » (GOFFMAN, 1973, p. 137).