1.1.4 Terminologie et enseignement des langues

Beaucoup plus qu’un simple outil linguistique, la terminologie est un vecteur majeur du transfert des connaissances scientifiques et techniques. A ce titre, la terminologie peut faire partie intégrante d’une formation en langue. Si l’enseignement de la terminologie a longtemps été réservé aux écoles de traduction, il fait aujourd’hui partie de l’apprentissage de la rédaction technique et, d’une façon générale, de l’enseignement des langues de spécialité. ‘L’enseignement de la terminologie s’inscrirait globalement dans une recherche de “ la maîtrise de la communication scientifique et technique ” (Humbley 1991 : 53)’.

La traduction de textes spécialisés suppose la connaissance des termes du domaine en question dans les langues de travail. Mais la place de la terminologie dans un apprentissage de la traduction ne peut évidemment pas se limiter à l’acquisition de listes de termes. En effet, ‘“ la traduction de textes spécialisés, généralement à forte teneur terminologique, ne peut se décrire comme un simple travail de transcodage ou de mise en correspondance de termes entre les deux langues ”   (Guével 1991 : 71)’. La traduction nécessite une interprétation fine du sens du texte et des termes en contexte, interprétation qui ne peut se faire que grâce à une connaissance approfondie du domaine en question. Un terme ne prend véritablement son sens que par rapport aux autres termes du domaine avec lesquels il entretient des rapports logiques. Si le terme s’intègre dans un domaine, il fait également partie d’un discours. La traduction spécialisée va ainsi être soumise à certaines contraintes lexicales : collocations, tournures et expressions propres à la langue de spécialité en question. L’enseignement de la terminologie traductionnelle s’effectue donc à un niveau conceptuel (connaissance du domaine) et à un niveau fonctionnel (maîtrise du discours spécialisé). Slodzian, dans un article consacré à la terminologie traductionnelle, souligne aussi la nécessité de replacer le terme en discours :

 Considérer la terminologie sous l’angle de la traduction conduit à mettre en relief la notion de terminologie syntagmatique, de termes en fonctionnement dans le discours. Autrement dit, à mettre au premier plan les rapports entre terme et texte.

(Slodzian 1991 : 59)’

Il convient donc, dans le cadre de la traduction, de considérer la terminologie non comme un “ répertoire de termes ” mais comme une discipline intégrant une dimension linguistique et discursive.

Vecteur essentiel des connaissances, la terminologie s’intègre naturellement à la rédaction technique et scientifique, en tant qu’élément pouvant assurer la qualité de la langue et donc de la communication. Ainsi, ‘“ en s’appuyant sur une démarche terminologique, on assure la cohérence de tous les textes, pas seulement ceux qui sont destinés à la traduction ” (Humbley 1991 : 53)’. Comme nous l’avons vu plus haut, en 1.1.1, la terminologie joue un rôle essentiel lorsqu’une langue veut s’affirmer en tant que langue scientifique et technique.

Dans le cadre de l’enseignement des langues de spécialité (sujet sur lequel nous reviendrons dans le chapitre 4 du présent travail, en 4. 1, la terminologie s’intègre dans le cadre de l’apprentissage de la communication en langue étrangère. L’enseignement d’une langue de spécialité doit s’inscrire dans une problématique de formation conçue en terme de capacité à transmettre une information. Tout comme nous l’avons souligné pour la traduction, il ne suffit pas d’acquérir une liste de termes en langue étrangère pour être capable de transmettre un savoir et une information. Schlissinger (1991), dans un article consacré à la place de la terminologie dans l’enseignement des langues de spécialité, donne divers exemples de situations où l’utilisation de termes “ en vrac ”, termes qui pourtant étaient souvent justes, n’a pas permis la transmission de l’information. Ce même auteur introduit alors le concept de Terminologie de l’Action, qui nous semble très intéressant. Nous pourrions dire qu’il s’agit de faire de la terminologie “ en action ”, en discours. Nous avons nous-même été confrontée, dans le cadre de notre pratique de l’enseignement de langue de spécialité, à des stagiaires qui possédaient une terminologie parfois très pointue en langue étrangère, mais étaient incapables de transmettre une information. Ils possédaient la terminologie, mais pas les clés de la mise en discours de ces termes. L’intégration de la terminologie dans une pratique langagière s’avère donc indispensable.