typologie par la macrostructure

 Une typologie des dictionnaires bilingues basée sur les caractéristiques de la macrostructure (nombre des adresse, nature, disposition) permet de distinguer des dictionnaires généraux plus ou moins encyclopédiques, des dictionnaires abrégés, de poche, des dictionnaires spécialisés, ainsi que des ouvrages sémasiologiques et des ouvrages onomasiologiques, en fait les mêmes catégories que pour la typologie des monolingues. 

(Marello 1996 : 37)’

Reprenons cette classification en dictionnaires bilingues généraux, dictionnaires bilingues de poche, dictionnaires bilingues spécialisés. Les bilingues généraux sont des dictionnaires essentiellement destinés à un usage scolaire. Ils proposent, en un ou deux volumes suivant le nombre d’entrées proposées, le lexique central des langues concernées, certains archaïsmes que l’on peut rencontrer en littérature, et certains termes techniques appartenant à différents domaines. Sous leur forme abrégée, ces ouvrages présentent un nombre d’entrées plus réduit, qui constituent le lexique central de la langue, allégé des archaïsmes ; le nombre d’équivalents donnés dans l’autre langue est également plus réduit. Ce type d’ouvrage a toujours une fonction didactique, mais on peut dire que leur utilisation est plus pragmatique, le public qui les utilise ayant des besoins pratiques de communication ; les dictionnaires bilingues généraux, sous leur forme la plus élaborée, sont plutôt destinés aux étudiants de langue spécialistes, et sous leur forme abrégée, aux étudiants non-spécialistes.

Les dictionnaires bilingues de poche sont, quant à eux, surtout destinés aux voyageurs. Leur faible volume permet une utilisation et une consultation facile. Leur présentation est généralement claire (les articles sont courts) afin de faciliter la rapidité du repérage de l’information recherchée par le lecteur.

Les dictionnaires bilingues spécialisés se limitent à un domaine de connaissance. Comme le dit Marello :

 Par rapport à la macrostructure d’un dictionnaire général, la macrostructure d’un dictionnaire spécialisé est beaucoup plus réduite, mais elle contient des termes que les dictionnaires généraux n’ont pas. Les adresses sont plus souvent des syntagmes, et sont la plupart du temps des noms. Il n’y a en général pas d’entrées homonymiques .

(Marello 1996 : 39)’

Ces ouvrages contiennent peu ou pas d’informations grammaticales, la priorité étant donnée aux équivalences dans l’autre langue du terme vedette. Par contre, ils contiennent souvent des contextes et des collocations (informations primordiales dans le cadre d’une langue de spécialité) ; ce type d’ouvrage se présente souvent sous la forme d’une liste de termes suivis de leur(s) équivalent(s) dans la langue cible, la microstructure y est ainsi souvent minimale.

Nous aimerions illustrer cette classification par des ouvrages bilingues français / portugais.

Un exemple typique de dictionnaire bilingue général est le Grande Dicionário Português / Francês – Francês / Português (2 vol.) Domingos de Azevedo, Livraria Bertrand. Cet ouvrage est un parfait exemple de dictionnaire bilingue de bibliothèque, destiné à un public étudiant en contact avec une langue plutôt littéraire. Les deux ouvrages contiennent en effet de nombreux archaïsmes présents dans les textes littéraires, alors que de nombreux mots récents en sont absents. On peut également y trouver un nombre important de termes techniques et scientifiques issus de différents domaines. Chaque volume est indépendant (l’un est portugais / français, l’autre français / portugais) et peut être acquis séparément. Ce dictionnaire se veut essentiellement un outil de décodage, ce qui est clairement spécifié dans la préface de chaque volume. La préface du volume portugais / français est écrite en français pour des lecteurs francophones, et l’ouvrage est présenté comme “ depuis longtemps familier aux lecteurs de langue française désireux d’aborder et d’approfondir l’étude du portugais ”. La préface du volume français / portugais, rédigée en portugais, présente l’ouvrage comme un outil indispensable aux lusophones ayant besoin de lire des textes français et d’étudier la langue française. La microstructure de ces deux volumes vient confirmer ce fait. La partie portugais / français contient des indications sur la prononciation de l’entrée en portugais, sa catégorie grammaticale, son ou ses équivalents en français (mais cette fois sans information phonétique ni grammaticale) et une définition en français, informations toutes destinées à un utilisateur francophone en situation de décodage. Renversement de cette situation dans le volume français / portugais : les informations grammaticales et phonétiques concernent ici l’entrée en français, la définition est donnée en portugais, donc plutôt pour un lusophone en situation de décodage. Il est tout à fait possible d’utiliser ces deux volumes pour l’encodage (c’est d’ailleurs ce que font de nombreux utilisateurs), mais les informations métalinguistiques étant fournies dans la langue source (qui n’est justement pas celle de l’utilisateur), certaines précisions sont difficilement accessibles, en particulier lorsqu’il s’agit de trouver l’équivalent juste d’une entrée polysémique. Nous pouvons illustrer ceci avec l’exemple du verbe “ jouer ”, qui est polysémique en français, et peut être rendu en portugais par “ jogar ” (dans le sens de jouer à un jeu, aux cartes par exemple, ou jouer au football), “ tocar ” (jouer d’un instrument de musique), “ brincar ” (jouer dans le sens de jeu d’enfant), “ representar ” ou “ desempenhar ” (jouer un rôle). Les différents équivalents du verbe “ jouer ” figurent effectivement dans l’article, mais sont difficilement repérables, étant en quelque sorte noyés dans la masse de l’article. Si l’on prend, pour la partie portugais / français, l’exemple du verbe “ mandar ”, lui aussi polysémique (il peut en particulier correspondre au français “ faire faire quelque chose ” lorsqu’il est suivi d’un autre verbe à l’infinitif, “ mandar fazer ”), on remarque également le même problème. De plus, la “ hiérarchie ” des différentes acceptions ne semble obéir à aucune logique.

Jouer [ju-ê], v. i., Brincar, folgar, divertir-se, recrear-se : tous les enfants aiment à jouer. // Brincar, agitar-se com movimentos graciosos, falando das coisas : les pavillons jouent en haut des mâts. // Jogar, mover-se, funcionar : ce ressort ne joue pas bien. Faire jouer les pompes. // Deslocar-se, dar de si, falando de um objecto destinado a estar fixo : ce mur a joué. // Cintilar : le soleil joue sur les armes. // Ser empregado, exibido, posto em acção. // Jogar, divertir-se ao jogo: jouer aux cartes, au billard, au tennis, etc. // Jouer à (antes de um infinito), divertir-se a : jouer à courir, à sauter. // Jouer de, tocar, executar música em : jouer du violon, de la flûte, du piano, tocar rabeca, flauta, piano. // Jouer avec, jogar ou brincar com : jouer avec des petits garçons. // Descurar, desprezar, não cuidar de : jouer avec sa vie, avec sa santé, desprezar a vida, não poupar a saúde. // Pop. Jouer comme un fiacre ou jouer comme une huître, tocar muito mal. // Jouer à jeu sûr, jogar pela certa. // Jouer de bonheur, ter muita sorte. // Jouer de malheur, andar com azar. // Jouer sur les mots, fazer jogo ou trocadilhos de palavras, falar por equívocos. // Fam. Jouer des jambes, dar às gâmbias, fugir a sete pés. // Jouer au plus fin, ver qual dos dois há-de enganar o outro ou quem será o mais esperto. // Jouer de la prunelle, jouer des yeux, deitar olhares amorosos, piscar o olho. // Jouer de son reste, tentar o último esforço (...)

Mandar [min-dar], v.t. Commander, ordonner, enjoindre. // Envoyer. // Commander, gouverner. // Mandar dizer, faire dire, faire savoir ; mander, envoyer dire. // Mandam-nos dizer de Paris que chove lá muito, il nous revient de Paris qu’il y pleut beaucoup. // Aqui é ele quem manda, il fait ici la pluie et le soleil. // Tu não mandas nada aqui, tu n’es pas le maître ici. // Éo regime do posso, quero e mando, c’est le régime du bon plaisir. // Mandar à fava, mandar à tábua, envoyer promener ; (fam.) envoyer à la balançoire ; envoyer paître ; (pop.) envoyer à l’ours. // Mandar fazer, faire faire : mandei fazer um colete, j’ai fait faire un gilet. Vou mandar fazer um vestido, je vais faire faire une robe. // Mandar vender, faire vendre. // Mandar vir, faire venir. // Jeter, lancer. // Mandar à memória, apprendre par coeur. // Mandar em testamento, léguer par testament. // V.i. Commander, gouverner, dominer. // Mandar-se, v. pr. Se commander soi-même, se maîtriser. // Etre commandé.

Dictionnaire bilingue général abrégé : Dicionário Português / Francês – Francês / Português. Porto Editora. Ce dictionnaire, publié au Portugal, s’adresse essentiellement aux lusophones. Il se présente donc comme un dictionnaire d’encodage pour la partie portugais / français, et de décodage pour la partie français / portugais. La préface de l’ouvrage souligne d’ailleurs que les auteurs se sont efforcés de donner “ l’équivalent exact ” de l’entrée. Cette même préface définit le public comme des lusophones étudiant la langue française. La structure de l’ouvrage confirme le rôle de l’ouvrage : dans la partie français / portugais, la prononciation n’est donnée que pour l’entrée en français, de même que les informations grammaticales ; dans la partie portugais / français, on ne trouve pas de phonétique, les informations grammaticales sont données pour l’entrée en portugais et pour l’équivalent en français uniquement lorsque le genre du substantif est différent dans les deux langues. Si l’on regarde des entrées polysémiques, comme le verbe “ jouer ”, on remarque que les différentes acceptions sont facilement repérables, car clairement séparées et surtout, incluses dans un syntagme. Il en est de même pour l’entrée “ mandar ”.

Jouer [zwe], v. t. e v. i. brincar, gracejar; jogar; tocar (mus.); representar (teatro); manejar (armas); funcionar (maquinismos) ; agitar-se (bandeira) ; dar de si, ter folga (objecto) ; cintilar ; atirar, lançar ; iludir, enganar (fig.) ; V. r. divertir-se, folgar ; enganar-se ; agitar-se (coisas) ; cintilar.

Faire jouer tous les ressorts, recorrer a todos os meios, lançar mão de tudo.

Jouer au ballon, jogar a bola, jogar o futebol.

Jouer au plus fin, jogar para ver quem é o mais esperto.

Jouer bon feu, bon argent, proceder de boa fé.

Jouer de bonheur, andar com sorte, ser feliz.

Jouer de la poche, abrir os cordões à bolsa.

Jouer de la prunelle, piscar o olho.

Jouer des couteaux, andar à facada.

Jouer des flûtes (pop.), dar às de vila-diogo, safar-se, raspar-se, dar à perna.

Jouer des jambes (fam.), fugir a sete pés.

Jouer de son reste, tentar o último recurso.

Jouer des yeux, piscar o olho.

Jouer double jeu, jogar com um pau de dois bicos.

Jouer du pouce (fam.), contar dinheiro, puxar pelos cordões à bolsa.

Jouer gros jeu, jogar forte.

Jouer la fille de l’air, raspar-se, dar a perna.

Jouer sa vie, arriscar a vida.

Jouer sur les mots, fazer trocadilhos.

Jouer sur son ancre, balancear (o navio ancorado).

Jouer un mauvais personnage, fazer uma triste figura, fazer figura de urso.

Jouer un rôle, desempenhar (ou representar) um papel.

Jouer un tour, pregar uma partida.

Se jouer à, ter que ver com ; atirar-se, atacar.

Se jouer de, não dar importância ; trocar, mangar ; dominar.

Mandar, v.t. envoyer ; ordonner, commander ; faire ; v. i. commander.

Mandar à fava (pop.), envoyer promener, envoyer à la balançoire, jeter auvent, envoyer flûter.

Mandar ao cais de baixo (pop.), envoyer promener, envoyer paître.

Mandar àquela parte (pop.), envoyer promener, envoyer paître.

Mandar à tabua (pop.), envoyer promener.

Mandar chamar, mander, faire venir.

Mandar dizer, faire savoir, mander.

Mandar embora, renvoyer, congédier, chasser.

Mandar em casa, porter les chausses.

Mandar enviar, faire envoyer.

Mandar fazer, faire faire.

Mandar mais que o marido (fam.), porter la culotte.

Mandar no marido (fam.), porter la culotte.

Mandar para o diabo, envoyer au diable.

Mandar para o inferno, renvoyer bien loin.

Mandar parar, faire la halte.

Mandar passear (pop.), envoyer promener, envoyer à la balançoire.

Mandar pentear macacos (pop.), envoyer paître, envoyer promener, envoyer à la balançoire.

Mandar pintar o seu retrato, se faire peindre ;

Mandar uma carta, envoyer une lettre.

Mandar vir, faire venir, mander.

Dictionnaire de poche : le Dictionnaire de poche français / portugais – portugais / français de Larousse se présente comme un ouvrage destiné à répondre “ aux besoins du débutant et du voyageur ”. Il se veut à la fois ouvrage de décodage et d’encodage pour des locuteurs aussi bien francophones que lusophones. La préface est rédigée dans les deux langues. La macrostructure est constituée du vocabulaire de base des deux langues ; on y trouve également des précisions culturelles (sur des particularités françaises dans la partie français / portugais et des particularités portugaises et brésiliennes dans la partie portugais / français). Les informations y sont présentées de façon claire, les articles sont courts. Les informations phonétiques ne concernent que l’entrée en langue de départ, de même que les informations grammaticales. Le texte ne contient pas de définitions, les différentes acceptions d’une même entrée sont distinguées par des groupes syntagmatiques ou collocations. Si nous reprenons l’exemple du verbe “ jouer ”, nous constatons que les différents équivalents sont facilement repérables grâce aux différents compléments indiqués entre parenthèses. L’article consacré au verbe “ mandar ” lui aussi polysémique, procède de la même façon :

Jouer [zwe] vi (enfant) brincar ; (musicien) tocar ; (acteur) representar. *vt (carte) jogar ; (somme) apostar ; (rôle, pièce) representar ; (mélodie, sonate) tocar ; —à (tennis, foot) jogar ; —de (instrument) tocar ; —un rôle dans qqch (fig) desempenahr um papel em algo ; la porte a joué a porta empenhou.

Mandar [mãndar] vi commander. *vt envoyer ; —alguém fazer algo envoyer qqn faire qqch ; —fazer algo faire faire qqch ; —alguém passear (fam) envoyer qqn promener ; —vir (encomendar) commander ; (fam : refilar) rouspéter ; —à merda (vulg) envoyer chier ; —em (empresa) diriger ; (casa) commander, faire la loi.