typologie par la directionnalité

On peut classer les dictionnaires bilingues en bidirectionnels ou monodirectionnels. Les dictionnaires bidirectionnels devraient pouvoir servir aux locuteurs des deux langues concernées, aussi bien pour l’encodage que pour le décodage ; ainsi, dans un dictionnaire français / anglais, par exemple, la partie français / anglais devrait servir aux francophones souhaitant encoder et aux anglophones souhaitant décoder et la partie anglais / français aux anglophones souhaitant encoder tout comme aux francophones souhaitant décoder. Mais, comme le souligne Marello, cette bidirectionnalité est rarement réalisée, et ‘“ le dictionnaire vise à servir avant tout la communauté dans laquelle la maison d’édition veut le vendre ” (Marello 1996 : 35)’. En effet, pour être véritablement bidirectionnel, un dictionnaire bilingue devrait fournir de nombreuses informations (grammaticales et phonétiques, entre autres), qui alourdiraient beaucoup les articles. La bidirectionnalité des dictionnaires bilingues est ainsi souvent partielle. Par exemple, la partie portugais / français du Domingos de Azevedo peut être utilisée par des lusophones pour encoder en français, mais certaines informations vont leur manquer (ne serait-ce que la prononciation), et d’autres seront peu accessibles, la langue française étant utilisée comme métalangue (ce qui suppose, de la part du locuteur lusophone, une bonne connaissance de la langue française s’il veut utiliser ce dictionnaire pour encoder).

Les dictionnaires monodirectionnels sont destinés à une seule communauté linguistique. Dans ce cas, les informations grammaticales ou phonétiques et les exemples ou contextes ne concernent qu’une des deux langues. Le Domingos de Azevedo est ainsi essentiellement monodirectionnel : les informations grammaticales et phonétiques, comme nous l’avons déjà signalé, ne concernent que l’adresse. Ce type de dictionnaire est certainement plus efficace, les informations utiles étant facilement accessibles à l’utilisateur. Le vocabulaire bilingue du langage économique que nous proposons dans ce travail est monodirectionnel : il est destiné à des francophones ayant besoin de comprendre les termes de l’économie et du commerce en contexte brésilien ; c’est pourquoi le français est utilisé comme métalangue dans les articles, que ce soit pour donner des informations linguistiques (synonymes, collocations) ou pour apporter des précisions socioculturelles (voir chapitre 5, en 5.1.2).

Marello remarque que ce sont les dictionnaires de poche, ceux dont les articles sont les plus simples (le plus souvent réduits à des paires d’équivalents) qui réussissent le mieux à être bidirectionnels. Nous l’avons effectivement constaté. Nous pouvons illustrer ce fait par des exemples tirés du Dictionnaire de poche français / portugais – portugais / français de Larousse cité plus haut. On peut d’abord remarquer que les informations grammaticales concernant le genre des substantifs sont données pour l’entrée et son équivalent. Dans une même partie, on trouve des informations qui servent clairement au décodage, et d’autres qui servent clairement à l’encodage. Ainsi, dans la partie français / portugais, l’article consacré au verbe “ mettre ”, dont les différentes acceptions ont des équivalents différents en portugais, est présenté dans une optique d’encodage (les indications d’acceptions, comme “ vêtement ”, “ temps ”, sont données en français). En revanche, les articles consacrés à des particularités culturelles sont destinés aux lusophones (les précisions sont données en portugais). L’entrée “ manteau ” peut fournir un autre exemple : pour l’encodage, l’équivalent “ casaco ” est suffisant, la précision “ comprido ” donnée entre parenthèses est plutôt destinée au décodage.

Mettre [m tr] vt 1. (placer, poser) pôr ; —qqch debout pôr algo em pé. 2. (vêtement) vestir ; —une écharpe pôr uma écharpe ; —un pull vestir uma camisola ; qu’est-ce que tu mets pour aller au théâtre ? que fato vestes para ir ao teatro ? 3. (temps) levar ; nous avons mis deux heures par l’autoroute levamos duas horas pela auto-estrada. 4. (argent) gastar ; combien voulez-vous y — ? quanto pretende gastar ?; je ne mettrai pas plus de 300F pour une robe não gastarei mais de 300 francos num vestido. 5. (déclencher) ligar ; —le chauffage ligar o aquecimento ; —le contact ligar o contacto ; —le réveil pôr o despertador. 6. (dans un état différent) : —qqn en colère enfurecer alguém ; —qqch en marche pôr algo a funcionar.

La vraie bidirectionnalité étant, pour reprendre l’expression de Marello, une “ utopie ”, on peut penser que l’idéal serait un dictionnaire en quatre parties. Marello cite des projets de dictionnaires bilingues électroniques en cours d’élaboration, qui présentent justement quatre parties, suivant la langue du locuteur et l’utilisation souhaitée, encodage ou décodage. On peut difficilement concevoir ce type d’ouvrage sur un support papier, et l’augmentation des ouvrages disponibles sur CD Rom (et élaborés spécialement pour ce support) va certainement permettre une plus grande flexibilité d’utilisation.