2.5 JUSTIFICATION DU CHOIX DU CORPUS

2.5.1 Les années 1991 et 1992

Le langage économique et commercial ne subit pas de modifications aussi rapides que certaines langues de spécialité relativement récentes et sujettes à de constantes nouveautés (comme, par exemple, l’informatique, le multimédia, etc.). Toutefois, le Brésil est un pays qui subit des altérations économiques profondes et presque constantes. La presse reflète, bien plus qu’un autre support, ces changements. On constate, dans ce domaine peut-être plus que dans un autre, un phénomène de “ mode ” : certains termes apparaissent puis disparaissent selon la réalité économique (plans économiques, changements de monnaie,...). Il nous a semblé judicieux, pour ces raisons, de réduire la période étudiée à deux ans, ceci afin d’augmenter les chances d’obtenir un corpus relativement “ stable ”.

Nous avons éliminé l’année 1990 pour deux raisons : tout d’abord, parce qu’elle a été une année particulièrement perturbée au point de vue économique (voir plus bas) ; ensuite, en raison de notre expérience personnelle : étant arrivée au Brésil en juillet 1990, il ne nous a pas été possible de vivre les événements du premier semestre, rendant impossible une vision d’ensemble et la compréhension de la situation. Nous avons commencé la collecte des données au début de 1993 ; cette dernière année n’a donc pas non plus intégré le corpus. Restent donc les années 1991 et 1992, que nous aimerions resituer brièvement dans le contexte économique des années 90 au Brésil.

Lorsque, en mars 1990, Fernando Collor de Mello arrive à la présidence, le taux d’inflation atteint 80 % par mois. Pour faire face à cette inflation galopante, Collor implante immédiatement un programme nouveau et pour le moins surprenant (le plan Collor I) dont les mesures principales étaient les suivantes :

  • blocage de 80 % de tous les dépôts en banque (comptes courants et comptes épargnes) qui dépassaient 1300 dollars (au taux de change de l’époque) pendant 18 mois (mesure qui a été appelée confisco [confiscation] ;

  • introduction d’une nouvelle monnaie

  • blocage des prix et des salaires

  • augmentation du prix des services publics (gaz, services postaux, électricité, ...) ;

  • mesures préliminaires à un processus de privatisation.

Après une chute initiale, due surtout à la diminution brusque de la liquidité, l’inflation reprend en juillet. Cette reprise s’accélère début 1991 ; le gouvernement prend une autre séries de mesures (le Plan Collor II) le 1er février. Cette fois, la stratégie se concentre sur une réforme financière qui consiste en un blocage des prix et salaires et l’élimination de diverses formes d’indexation, ainsi que l’extinction de certains placements (en particulier l’overnight, qui est un type de placement réalisé sur le marché open pour être retiré le jour ouvrable suivant, désigné en français par [taux au jour le jour]). En raison de l’impopularité de ces mesures et d’un manque de soutien politique, et malgré un impact positif sur les prix dans un premier temps, l’équipe économique est remplacée en mai 1991. Le nouveau ministre de l’économie et son équipe concentrent leurs efforts sur le contrôle des dépenses de l’Etat, sur le déblocage des prix et sur la préparation de la libération des sommes bloquées en 1990. D’autre part, les privatisations commencent. Un nouveau “ programme anti-inflation ” est élaboré fin 1991, basé sur une forte restriction du crédit, un renforcement des finances publiques et un taux de change devant maintenir la valeur réelle de la monnaie.

Toutefois, en 1992, la situation se dégrade. L’inflation reprend, (27 % en janvier, 25 % par mois en moyenne au cours du second semestre). Le retour de l’inflation fut attribué à une politique fiscale faible et à la crise politique qui a conduit à la destitution de président Collor. En octobre 1992, le vice-président Itamar Franco assume la présidence. L’année 1992 se termine sur une économie très affaiblie par les plans successifs. L’année 1993 constituera une année de transition vers l’adoption, en 1994, du “ Plan Real ” qui permettra, finalement, une stabilisation du pays après des années d’inflation et de déséquilibre.

Aujourd’hui, avec le recul, il nous semble que les années 1991 et 1992 constituent un assez bon échantillon de la réalité économique brésilienne, entre le “ rouleau compresseur ” de 1990 et la relative stabilité à partir de 1994. Période de réajustements successifs, d’incertitudes, d’espoirs déçus, tout autant de “ sentiments ” dont la presse se faisait l’écho.