2.7 LES RÉSULTATS

2.7.1 Résultats quantitatifs

Nous avons collecté 4704 mots / occurrences, qui constituent en fait 616 vocables, pour reprendre la terminologie de Muller (1968). Nous avons ensuite classé ces vocables par ordre de fréquence décroissante. La fréquence la plus élevée est 90 (inflação – inflation) et la plus basse 1 (123 vocables). Cette liste se trouve annexée à la fin du présent chapitre. Nous avons ensuite procédé au comptage des termes de même fréquence, afin de constituer des classes de fréquence. A chaque classe de fréquence correspond ainsi une population. Nous présentons ces données dans le tableau suivant, où la colonne fréquence représente la fréquence et la colonne population le nombre de termes présentant cette fréquence. Il y a, ainsi, 123 termes de fréquence 1, 139 de fréquence 2, etc.

Tableau 1 : populations de fréquences
Fréquence Population Fréquence Population Fréquence Population
1 123 31 3 61 1
2 139 32 0 62 0
3 68 33 1 63 0
4 52 34 2 64 0
5 31 35 2 65 0
6 26 36 2 66 0
7 12 37 3 67 0
8 20 38 1 68 1
9 16 39 2 69 0
10 19 40 0 70 0
11 11 41 1 71 0
12 9 42 1 72 0
13 8 43 1 73 0
14 6 44 0 74 0
15 4 45 1 75 1
16 3 46 1 76 0
17 2 47 0 77 0
18 7 48 0 78 0
19 3 49 0 79 0
20 3 50 1 80 1
21 2 51 0 81 2
22 4 52 0 82 1
23 1 53 0 83 0
24 4 54 0 84 1
25 2 55 0 85 0
26 4 56 0 86 0
27 0 57 0 87 0
28 1 58 0 88 0
29 2 59 0 89 1
30 1 60 1 90 1

Si nous observons ces résultats, nous remarquons les faits suivants :

  1. la population décroît à mesure que la fréquence augmente. Les fréquences 1 et 2 présentent les populations les plus nombreuses ; les populations des fréquences suivantes décroissent rapidement. A partir de la fréquence 12, la population se situe au dessous de 10.

  2. la fréquence 1 ne présente pas la plus grande population, c’est la fréquence 2 qui est la plus représentée.

  3. à mesure que la fréquence augmente, les populations correspondantes tendent vers l’unité. A partir d’un certain point, on trouve des populations peu nombreuses qui alternent avec 0, c’est-à-dire que certaines fréquences ne sont pas représentées. Ceci n’arrive jamais avec les fréquences les plus basses, comme le signale Muller (1968 : 160). Toutes les fréquences de 1 à 26 sont représentées. Jusqu’à la fréquence 50, on ne remarque que certains “ manques ”. A partir de la fréquence 50, de nombreuses fréquences ne sont pas représentées.

Le fait que la fréquence 1 ne soit pas celle qui a la plus forte population constitue une irrégularité. En effet, selon Muller (1968 : 160), les populations décroissent à mesure que la fréquence augmente ; il affirme également que, si dans un texte ou corpus, il existe 100 vocables de fréquence f, il en existe plus de 100 de fréquence f -1, et moins de 100 de fréquence f + 1. On peut ainsi se demander si notre “ collection de textes ” est véritablement un corpus. En effet, notre échantillon est relativement limité pour pouvoir fournir de véritables données statistiques. Mais il nous semble que l’explication est ailleurs. Nous avons en effet extrait de ces textes un certain nombre de termes, et n’avons pas travaillé avec l’ensemble des mots du corpus. Les termes sélectionnés appartiennent à un domaine précis, et ne reflètent pas le lexique de l’ensemble du corpus. Ils peuvent donc difficilement être assimilés à une “ distribution lexicale ” selon les théories de Muller.

Sur les 616 termes collectés, seuls 187 sont communs aux deux groupes de revues. Les fréquences présentées ci-dessus ont été obtenues sur la totalité du corpus, c’est-à-dire en regroupant les RS et les RIG. Avant de procéder à ce regroupement, nous avons observé certaines différences entre ces revues. Tout d’abord, alors que le nombre de textes était plus grand pour les RIG (revues hebdomadaires, moins de tableaux et de graphiques), le nombre de termes collectés est sensiblement le même dans les deux cas. Il peut y avoir deux explications : tout d’abord, la revue Exame, incluse dans les RS, est une revue dense, qui a pu contrebalancer la différence du nombre de textes ; ensuite, on pourrait imaginer que les RS ont une plus grande richesse de vocabulaire, car elles s’adressent à des spécialistes qui ont une bonne connaissance du vocabulaire spécialisé. Mais il nous semble difficile de pouvoir l’affirmer, et notre corpus est certainement trop limité pour nous permettre d’avoir une idée précise de ce problème. Toutefois, même à partir de notre échantillon, on peut remarquer certains faits intéressants. Ainsi, même si nous avons sélectionné des unités lexicales et n’avons donc pas accès aux données brutes, certains faits méritent d’être soulignés. En premier lieu, le fait que seuls 187 termes soient communs aux deux groupes de revues est assez significatif : on ne parle pas de la même chose dans une revue comme Veja, destinée au grand public, et dans une revue comme Conjuntura Econômica, destinée à un public spécialisé. En fait, on parle peut-être de la même chose, mais sous un autre angle, et avec d’autres mots. Si l’on compare les dix termes les plus fréquents de chaque groupe, on constate des différences notables :

Revues spécialisées Revues d’information générale
1. exportação [exportation] 1. lucro [bénéfice]
2. importação [importation] 2. faturamento [chiffre d’affaires]
3. consumidor [consommateur] 3. investimento [investissement]
4. mercadoria [marchandise] 4. inflação [inflation]
5. balança comercial [balance commerciale] 5. recessão [récession]
6. inflação [inflation] 6. prejuízo [perte]
7. desvalorização [dévaluation] 7. ação [action]
8. faturamento [chiffre d’affaires] 8. consumidor [consommateur]
9. setor externo [secteur extérieur] 9. faturar [réaliser un chiffre d’affaires]
10. exportador [exportateur] 10. importação [importation]

On remarque que seuls quatre termes sont communs aux deux listes : importação, consumidor, inflação et faturamento, et que ces termes occupent des rangs différents. Tous ces termes, sauf setor externo, sont communs aux deux groupes de revues.

Si l’on poursuit la comparaison avec les dix termes suivants, la différence s’accentue :

Revues spécialisées Revues d’information générale
11. fornecedor [fournisseur] 11. estatal [entreprise publique]
12. Mercosul [Mercosud} 12. investidor [investisseur]
13. comércio externo [commerce extérieur] 13. concorrente [concurrent]
14 . manufaturados [produits manufacturés] 14. exportação [exportation]
15. defasagem cambial [disparité du change] 15. montadora [usine de montage]
16. estoque [stock] 16. concorrência [concurrence / appel d’offre]
17. sobrevalorização [surévaluation] 17. pacote [train de mesures]
18. subsídio [subvention] 18. reajuste [réajustement]
19. superávit [solde positif] 19. acionista [actionnaire]
20. consumo [consommation] 20. privatização [privatisation]

On remarque que les RIG s’intéressent plus aux importations qu’aux exportations : les consommateurs lisent les RIG, alors que ce sont plutôt les producteurs qui lisent les RS. D’une manière générale, les RIG voient et traitent dans l’économie ce qui peut toucher leur public dans la vie quotidienne : inflation, récession, etc. Le fait que lucro soit le premier de la liste s’explique parce que ces revues s’attachent souvent à présenter des entreprises très présentes dans l’actualité (qu’elles soient l’objet d’un scandale ou qu’elles connaissent un succès particulier). Quant aux RS, elles s’adressent à des “ acteurs ” économiques, plus concernés par les possibilités d’exportation et les problèmes directement liés à l’activité économique : on trouve en tête de liste des termes comme consumidor, mercadoria, balança comercial, etc.

Nous pouvons citer deux exemples assez significatifs des différences entre ces deux groupes de textes. Tout d’abord celui des différentes cotations du dollar : le dólar comercial [dollar commercial] qui est une cotation établie par le gouvernement pour les transactions commerciales (exportation et importation), est un terme commun aux deux groupes de revues. Par contre, le dólar paralelo [dollar parallèle], qui est la cotation du dollar sur le marché parallèle, cotation non contrôlée par le gouvernement et résultat de l’offre et de la demande, a la fréquence 8 dans les RIG, et seulement la fréquence 1 dans les RS ; en effet, le dollar parallèle n’intéresse pas les exportateurs, mais il constitue un investissement de choix pour les particuliers. Un autre exemple est celui du mercado interno [marché interne] qui est un terme commun, alors que le mercado externo [marché extérieur] est exclusif des RS, avec une fréquence élevée (12).

Nous n’avons pas maintenu la séparation entre les deux groupes de revues dans la suite du travail. Les deux corpus ont été fondus en un seul, et les fréquences exprimées dans la classification des termes sont celles de la totalité des textes étudiés. Toutefois, la comparaison entre le corpus de revues spécialisées et le corpus de revues d’information générale nous sera utile dans le chapitre 4 du présent travail, et pourra apporter certaines réponses quant à une éventuelle “ vulgarisation ” du vocabulaire économique et commercial.

Les choix faits lors de la collecte et de la mise en fiches des termes (voir 2.6.1), en particulier celui de consacrer une fiche à chaque groupe lexicalisé selon un critère documentaire, c’est-à-dire sa récurrence dans le corpus, ont pu nous poser certains problèmes pour le traitement des résultats. Nous nous sommes en particulier heurtée au problème du comptage des collocations. Ce problème est évoqué par Sinclair (1991 : 115) : si le mot “ a ” apparaît avec le mot “ b ”, mais que l’un des deux est plus fréquent que l’autre, quelle fréquence doit-on compter pour “ a ” et “ b ” ? doit-on compter un mot ou deux ? Nous avons fait le choix de traiter comme une unité les groupes de mots récurrents lors de la collecte des termes. Même si nous pensons que ce choix a été positif dans la mesure où il nous a permis d’observer le comportement de ces groupes de mots, il pose en effet un problème de “ comptage ”.

Nous pouvons citer le cas de câmbio [change]. En tant que mot isolé, câmbio n’apparaît que 4 fois. Dans notre liste de fréquence, il apparaît donc avec la fréquence 4. Par contre, on le retrouve dans les groupes suivants : câmbio comercial (f 4) [change commercial], câmbio paralelo (f 2) [change parallèle], câmbio real (f 2) [change réel], câmbio fixo (f 1) [change fixe], Taxa de Câmbio (f 33) [Taux de Change], TCR-Taxa de Câmbio Real (f 6) [Taux de Change Réel]. Doit-on donc considérer que câmbio a une fréquence de 53 ? Nous ne le pensons pas. Tout d’abord, il nous semble important de considérer Taxa de Câmbio comme une unité, car ce groupe a une signification propre, et sa fréquence de 33 en atteste. Le cas de Taxa de Câmbio Real est aussi significatif : ce groupe apparaît presque toujours sous la forme du sigle TCR, ce qui pour nous est une preuve de son “ indépendance ”. Quant aux groupes câmbio + adjectif, ils constituent, à notre avis, bien plus qu’une adjectivation de câmbio. Outre le fait qu’un groupe comme câmbio comercial a une fréquence significative, ils ont tous une signification propre. Ainsi, nous considérons que ce n’est pas le “ concept ” désigné par câmbio qui a une fréquence élevée, mais ses “ applications ” de câmbio comercial/paralelo/real/Taxa de Câmbio.