3.3.1.2 Les emprunts en portugais du Brésil

Si le portugais du Brésil a emprunté de nombreux mots à la langue française aux XVII° et XVIII° siècles, il puise aujourd’hui plutôt dans la langue anglaise, pour des raisons de domination culturelle et économique. Dans certains contextes, l’utilisation parfois excessive de mots étrangers obéit à un effet de mode. Ainsi, les textes publicitaires ou les commentaires des colonnes sociales des magazines sont-ils “ truffés ” de mots anglais ou français ; quant aux sports, à l’économie ou à l’informatique, c’est l’emprunt à la langue anglaise qui est le plus répandu. L’utilisation de mots étrangers, généralement anglais ou français, contribue à transformer le moindre texte publicitaire ou commentaire sur une soirée en un texte “ branché ”; en effet, pour une certaine classe sociale, tout article importé (y compris un simple mot) est synonyme de qualité et de statut. Les emprunts à l’anglais ou au français ont donc une connotation positive. Au contraire, les mots empruntés à l’espagnol auront une connotation plutôt péjorative (en raison de la vieille rivalité entre le Brésil et ses proches voisins hispanophones, en particulier l’Argentine). Guilbert (1975) classe les emprunts lexicaux en emprunts connotatifs et emprunts dénotatifs. Les emprunts dénotatifs sont des désignations de produits ou concepts créés dans un pays étrangers et qui, lorsqu’ils sont intégrés dans une autre société ou un autre pays, apportent avec eux les termes qui les désignent (ce qui, par exemple, est souvent le cas, de nos jours, en informatique). Dans le cas qui nous intéresse ici, il s’agirait plutôt d’emprunts connotatifs, c’est-à-dire de termes utilisés dans l’intention d’évoquer une situation sociale considérée comme prestigieuse ou, au contraire, inférieure.

Toutefois, remarquons que cette utilisation quelque peu massive de mots empruntés à des langues étrangères se situe plus en discours qu’en langue. En effet, les mots étrangers qui passent véritablement dans la langue sont relativement peu nombreux. Il est intéressant de rappeler qu’en langue portugaise, l’orthographe des mots étrangers est très souvent modifiée afin de maintenir sa prononciation (on les écrits ainsi “ à la portugaise ” afin de continuer à les prononcer “ à l’anglaise ” ou “ à la française ”). Le cas le plus célèbre est évidemment futebol [football], et nous pourrions rajouter les exemples uísque [whisky], abajur [abat-jour], xampu [shampoo], nhoque [gnocchi], et tant d’autres. Cette façon de “ digérer ” les influences étrangères pour les accommoder au goût local est assez caractéristique, nous semble-t-il, de la société brésilienne, même si l’adaptation de l’orthographe des mots étrangers se vérifie également en portugais du Portugal. Par contre, on peut se demander si l’utilisation systématique de termes étrangers (essentiellement anglais) dans certains domaines techniques ou scientifiques ne se fait pas au détriment de la langue et de la culture portugaise et brésilienne, et ne traduit pas une domination excessive de pays comme les Etats-Unis, surtout dans le cas du Brésil. Si nous reconnaissons le côté quelque peu “ gadget ” de l’utilisation de mots étrangers dans une certaine presse, les nombreux emprunts dans le domaine scientifique sont plus préoccupants. Ils peuvent en effet révéler un manque de confiance dans la capacité de la langue portugaise à véhiculer des notions scientifiques et technologiques, et, d’une manière plus générale, ils peuvent traduire une certaine “ soumission ” aux recherches réalisées dans les pays économiquement forts.