3.4 COMPARAISON DES TERMES FRANÇAIS ET PORTUGAIS

3.4.1 Différences morphologiques

La langue portugaise et la langue française étant deux langues romanes, les différences morphologiques sont peut-être moins flagrantes qu’elles ne pourraient l’être entre deux langues plus éloignées. C’est essentiellement en ce qui concerne la dérivation par suffixation que nous avons relevé le plus de divergences.

Pour ce qui est des termes complexes qui, comme nous l’avons vu, constituent une part importante des termes collectés, nous n’avons pas remarqué de différence sensible entre le français et le portugais. Ainsi, la structure la plus fréquente, N + adj. est généralement identique dans les deux langues : mercado financeiro [marché financier], câmbio comercial [change commercial], comércio exterior [commerce extérieur], livre comércio [libre échange], etc. On peut trouver certaines divergences lorsqu’à un adjectif en portugais ne correspond pas un adjectif français, cas de comércio atacadista [commerce de gros] et comércio varejista [commerce de détail], où une structure N + adj. en portugais est rendue par une structure N + prép. + N en français. La structure N + prép. + N se retrouve, de la même façon, dans les deux langues. On peut évidemment se trouver face à des prépositions différentes, mais la structure n’en est pas pour autant modifiée : taxa de câmbio [taux de change], fluxo de comércio [flux de commerce], restrição ao comércio [restriction du commerce], demanda por importação [demande d’importation]. Ces différences peuvent s’expliquer par la valeur de chaque préposition dans sa langue respective. Ainsi, la préposition por est très utilisée en portugais, et a plusieurs équivalents possibles en français suivant les constructions. Nous pouvons donc dire que, pour les termes de notre corpus, les termes complexes obéissent globalement aux mêmes structures en français et en portugais. Remarquons que nous nous référons ici uniquement au “ moule ” N + prép. + N, il va de soi que la valeur et le sens des prépositions dans chaque langue sont différents.

Nous avons vu plus haut, en 3.1.1 que la dérivation par préfixation et suffixation est très productive en langue portugaise. Il n’en est pas vraiment de même avec la langue française. La productivité des suffixes augmentatifs et diminutifs constitue l’une des premières divergences à ce niveau. Nous ne nous attarderons pas ici sur des créations discursives telles que pacotinho ou pacotão, exemples sur lesquels nous reviendrons en 4.3.2.2. Par contre, des termes comme tarifaço, Fundão et varejão, qui sont effectivement utilisés par les spécialistes, nous semblent particulièrement intéressants. Il est en effet impossible de les rendre en français en respectant leur structure ; on doit donc avoir recours à une périphrase pour leur trouver un équivalent. Ainsi, tarifaço, formé à partir de tarifa [tarif] par l’ajout du suffixe –aço, à la fois augmentatif et dépréciatif, peut être rendu en français par [série d’augmentations tarifaires] ; varejão, de varejo [commerce de détail] auquel on ajoute l’augmentatif –ão, désigne un [grand magasin à prix d’usine] . Il est intéressant de constater que, dans ce dernier exemple, l’ajout du suffixe augmente considérablement l’information véhiculée, ce qui se voit très vite dans la traduction en français. Pour ce qui est de Fundão, comme nous l’avons vu plus haut, le cas est encore plus complexe, ce terme étant très marqué culturellement. La langue française est effectivement moins souple pour ce qui est de la suffixation, notamment dans le cas des diminutifs et augmentatifs. Néanmoins, ces derniers ne sont pas les seuls suffixes à être utilisés de façon différente dans les deux langues. Ainsi, même si l’on retrouve de nombreuses similitudes dans la construction de termes à partir de suffixes (pour ne citer que quelques exemples, les suffixes -ação / -ation dans exportação [exportation] ou -agem / -age dans armazenagem [emmagasinage] ou encore -mento / -ment dans investimento [investissement]), certaines constructions en langue portugaise vont démontrer une productivité particulière. Nous pouvons citer les cas suivants :

  • le terme exportador a pour équivalent [exportateur], le féminin exportadora désigne une [entreprise exportatrice] ; le cas est le même pour importador [importateur] et importadora, qui désigne une société dont l’activité consiste à importer des produits pour les revendre sur le marché national.

  • le terme consultor désigne le [consultant], et consultoria le [cabinet conseil].

  • les termes montadora [usine de montage], seguradora [compagnie d’assurances], empreiteira [promoteur immobilier], imobiliária [agence immobilière] ne sont pas des variantes de substantifs masculins, comme nous l’avons vu plus haut, ce sont plutôt des adjectifs devenus substantifs par ellipse de agência [agence], companhia [compagnie] ou empresa [entreprise].

Ces quelques exemples nous semblent démontrer le fait que, très souvent, les suffixes permettent d’opérer des “ raccourcis ”, qui ne sont pas toujours possibles en français, puisque ces termes doivent être rendus soit par un terme composé, soit par un rétablissement du substantif (cas de seguradora [compagnie d’assurance], par exemple).