CHAPITRE 4 : LA LANGUE DE L’ÉCONOMIE ET DU COMMERCE AU BRÉSIL : LANGUE DE SPÉCIALITÉ ?

Nous avons, dans le chapitre précédent, étudié l’aspect linguistique des termes de l’économie et du commerce extraits de notre corpus, d’un point de vue morphologique (termes simples et complexes, utilisation des préfixes et suffixes), mais aussi en ce qui concerne la néologie et les emprunts. Dans ce chapitre, nous allons replacer la langue de l’économie sur laquelle nous avons travaillé dans son contexte social et culturel, et nous pencher sur certaines de ses caractéristiques directement liées à ce contexte. Ces observations auront pour but de nous aider à réfléchir sur le degré de spécialité de cette langue. La langue de l’économie, au Brésil, fait en effet beaucoup plus partie des discours quotidiens que dans d’autres pays, surtout à l’époque sur laquelle porte notre recherche, en raison de l’instabilité chronique de la situation. On se trouve donc face à une langue utilisée quotidiennement, par des spécialistes comme par des non-spécialistes, et qui présente de nombreux traits de familiarité. Peut-on encore, dans ce contexte précis, parler de langue de spécialité ? C’est à cette question que nous allons tenter de répondre dans le présent chapitre.

Nous essaierons tout d’abord de définir la notion de “ langue de spécialité ”. Ensuite, nous aborderons le thème de l’utilisation de la langue portugaise en tant que langue de spécialité, c’est-à-dire en tant que vecteur de science et technologie. La langue portugaise est en effet très peu utilisée au niveau international dans les publications scientifiques, ceci pour plusieurs raisons : en dehors des locuteurs natifs, peu de personnes la parlent, son utilisation pose donc des problèmes de divulgation ; mais, même à l’intérieur de la communauté lusophone, on n’accorde pas toujours à la langue portugaise un statut de langue scientifique. Ces réflexions nous conduiront également à rendre compte de la normalisation terminologique au Brésil.

Nous nous attacherons ensuite à certains aspects qui nous paraissent très caractéristiques de notre corpus, c’est-à-dire d’un certain langage économique, celui de la presse brésilienne, face à une situation économique mouvante et difficile. Ainsi, la métaphorisation est un phénomène très présent, dont le sujet de prédilection est l’inflation ; un autre aspect particulièrement sensible dans ce contexte est celui de l’emploi délibéré de termes provenant du registre familier. Ces deux aspects, métaphorisation et familiarité, nous semblent des caractéristiques fondamentales du contexte dans lequel notre corpus s’inscrit, en même temps qu’ils sont révélateurs d’une certaine attitude des locuteurs par rapport à une situation déterminée.

En fait, il nous semble difficile de nier à la langue de l’économie, au Brésil, le statut de langue de spécialité. Il s’agit plutôt de voir quel est son degré de spécialité, dans ce contexte précis. De nombreux sujets spécialisés peuvent intervenir dans la vie de tous les jours, les échanges quotidiens contiennent donc naturellement des discours spécialisés, qui ne perdent pas leur caractère de spécialisation parce qu’ils quittent les sphères spécialisées. Une fois encore, tout est question de degré.