4.2.2 La normalisation terminologique au Brésil

Comme dans beaucoup d’autres pays, la normalisation terminologique a, au Brésil, commencé au sein des entreprises. Le travail terminologique dans ce contexte revêt en effet très souvent un aspect normatif : on impose une certaine terminologie afin de faciliter la communication entre les différents départements d’une même entreprise. Les grands entreprises brésiliennes (la Petrobrás, et surtout les grands constructeurs automobiles installés dans le pays) ont montré très tôt une préoccupation réelle quant aux problèmes de terminologie. Ce sont donc au départ des initiatives privées, locales, qui ont donné lieu à ce type de travail. Ce n’est que par la suite que l’Associação Brasileira de Normas Técnicas (ABNT, fondée en 1940) a transformé certaines normes d’entreprises en normes nationales. Cet aspect “ individuel ” des initiatives marque, encore aujourd’hui, la terminologie dans le monde scientifique et technique au Brésil. Ainsi, certaines entreprises restent très attachées à leur terminologie interne, ce qui peut conduire à des situations de superposition (pour une même notion, diverses sociétés peuvent utiliser des termes différents) ou de non-compréhension entre techniciens de sociétés différentes. L’exemple donné par Aguirre (1996 : 76) est assez révélateur de cet état de fait : le projet de norme de l’ABNT (n° 05 :001.06-034), intitulé Veículos rodoviários – termos técnicos – Glossário, publié en 1994, a été élaboré par des membres du Comité CB5 (Automobiles – Camions – Tracteurs – Véhicules similaires et pièces Automobiles). Ce comité a systématisé les propositions envoyées par les principaux constructeurs automobiles installés au Brésil. Sur les 1043 termes se référant aux pièces automobiles, seuls 321 faisaient l’objet, à l’époque de la publication, d’un consensus entre le comité et les professionnels du secteur. Ce genre de situation peut expliquer le fait que les professionnels choisissent parfois “ d’ignorer ” les normes terminologiques de l’ABNT, et continuent à utiliser leur terminologie interne, qu’elle corresponde ou non aux recommandations.

Selon Alves da Cunha (1996 : 56), l’organisation même des comités de l’ABNT ne faciliterait pas l’acceptation des normes. Ainsi, les projets de normes terminologiques sont élaborés par des commissions d’Etudes, qui travaillent de façon absolument indépendante. Il n’y a pas de coordination entre les différentes commissions, que ce soit pour la méthodologie ou le croisement d’informations. Ceci peut conduire à d’éventuelles superpositions ou incohérences (plusieurs définitions pour un même terme, par exemple). De même, la diffusion auprès des professionnels ne serait pas très satisfaisante. L’auteur souligne le fait que ces travaux terminologiques sont souvent le “ fruit d’efforts isolés ”.

Toutefois, il convient de remarquer que cet état de fait peut être dû au manque de recul dans le temps. En effet, les préoccupations quant à la normalisation terminologique sont relativement récentes dans ce pays. L’expansion économique, et par conséquent scientifique et technologique, est également assez “ moderne ”, surtout si l’on compare le Brésil aux pays européens. On peut penser que la situation se stabilisera avec le temps. D’autant plus que, depuis quelques années, l’ABNT fournit de gros efforts de normalisation terminologique. Les terminologies publiées, dans les secteurs les plus divers, ont pour la plupart fait l’objet d’une mise à jour récente. De plus, un gros travail de systématisation méthodologique a été effectué par la Commission temporaire de Terminologie, commission créée en 1992 avec l’objectif de développer des normes quant aux principes et méthodes de la terminologie, l’élaboration de vocabulaires, et les outils informatiques. On peut voir à ce sujet Alves (1996). Trois normes ont été publiées en 1997 suite aux travaux de cette commission :

  • Terminologia – Indicativo de línguas – Simbologia

  • Terminologia – Princípios e métodos – Elaboração e apresentação de normas de terminologia

  • Terminologia – Princípios e métodos – Harmonização de conceitos e termos

Ceci nous paraît constituer un préambule indispensable à la normalisation terminologique dans les autres domaines.

Il semble donc que la communauté scientifique ait tout à fait conscience de l’aspect primordial que revêt la normalisation terminologique ; la divulgation des connaissances en langue portugaise passe nécessairement par cette étape. En ce qui concerne le domaine technologique, on peut remarquer que la normalisation, non pas seulement terminologique mais au sens large, est bien loin d’être implantée au Brésil. Pour ne citer qu’un exemple, il n’y a pas d’homogénéité quant au voltage : certaines régions fonctionnent en 220 V, alors que d’autres (parfois à l’intérieur d’un même état), fonctionnent en 110 V. Ainsi, les appareils électriques que l’on utilise à São Paulo deviennent inutilisables dans une ville du littoral, à 100 km de là. Dans le même registre, les modèles de prise ne sont pas uniformes dans l’ensemble du pays. Si l’on considère l’étendue territoriale du pays, les disparités entre les régions (à tous les niveaux : climatique, économique, social, etc.), on peut comprendre que la normalisation technologique et par conséquent terminologique soit peut-être plus difficile à implanter au Brésil qu’ailleurs. Toutefois, on peut penser que l’implication de la communauté scientifique et de l’ABNT conduiront probablement à une stabilisation de cette situation de “ foisonnement ” technologique, et par là-même terminologique.