5.3.2 La microstructure

Les dictionnaires bilingues ou multilingues spécialisés présentent la plupart du temps une microstructure minimale : le terme de la langue de départ et son équivalent dans la (les) langue(s) d’arrivée. Notre proposition est un peu différente. A partir d’une nomenclature relativement réduite, nous avons choisi de proposer une microstructure qui ressemblerait plus à celle d’un dictionnaire spécialisé monolingue. Ainsi, outre des collocations et contextes d’actualisation, la microstructure de notre dictionnaire présente, dans certains cas, la définition du terme. Marello (1996 : 42), dans sa typologie des dictionnaires bilingues, souligne que la microstructure d’un dictionnaire bilingue comprend, en général :

  • la tête de l’article (l’adresse + sa catégorie grammaticale + éventuellement sa prononciation)

  • les traductions ou équivalents de l’adresse

  • les exemples, collocations, combinaisons phraséologiques (contextes d’usage).

Cette microstructure est surtout celle des dictionnaires bilingues généraux, puisque, nous l’avons déjà signalé, la tendance des bilingues spécialisés est de ne présenter qu’une équivalence terme à terme. Nous avons essayé de nous situer à mi-chemin entre le bilingue général et spécialisé, tout du moins en ce qui concerne la microstructure. Ainsi, une microstructure réduite à l’équivalence terme à terme ne nous semblait pas fournir assez d’informations à l’usager. En effet, notre intention n’était pas seulement de proposer une équivalence en français du terme portugais, mais aussi un “ discours ” sur le terme et la notion qu’il recouvre. S’agissant d’un dictionnaire de décodage, la langue française va servir de métalangage, d’accès à la notion dénommée par le terme portugais. A ce propos, nous pouvons citer ‘Marello (1996 : 32) : “ dans les articles de moyenne ou grande complexité d’un dictionnaire bilingue une des deux langues est souvent employée de façon métalinguistique, c’est-à-dire comme un outil pour parler de l’autre langue ”’. Dans notre cas, le français est donc l’outil de décodage du portugais.

Certains éléments de la microstructure sont fixes, c’est-à-dire qu’on les retrouve systématiquement dans chaque article, alors que d’autres sont variables, ou optionnels (ils ne sont pas toujours présents). La raison de ce choix est le souhait de ne pas surcharger inutilement le texte du dictionnaire. Le choix du dégroupement permettant d’avoir une microstructure assez compacte, et notre objectif étant de faciliter la lisibilité du texte (voir ci-dessus, en 5.3.1), nous avons choisi d’inclure ou non certaines informations en fonction de leur pertinence. C’est le cas des contextes d’actualisation, mais aussi de la définition du terme.

Ainsi, notre microstructure se compose de :

  • + entrée (terme portugais)

  • + catégorie grammaticale de l’entrée

  • + équivalent en français

  • + catégorie grammaticale de l’équivalent

  • +/- définition du terme portugais (en français)

  • +/- précisions métalinguistiques

  • +/- contexte et source

Les quatre premiers éléments constituent donc la microstructure minimale, alors que les éléments suivants constituent une expansion de l’information de base.

Lorsque l’équivalence entre le terme portugais et français est clairement établie, nous n’avons pas proposé de définition. C’est le cas, par exemple, de abastecimento [approvisionnement], despesa [dépense], fornecer [fournir], revendedor [revendeur], etc. La présence ou l’absence d’un contexte d’actualisation ne dépend pas de la présence de la définition. Nous expliquerons dans le paragraphe suivant quelle a été notre démarche à ce propos. Mais nous pouvons déjà dire qu’un contexte a été inclus à chaque fois qu’il pouvait apporter une information supplémentaire sur le terme (collocation, re-contextualisation dans une époque donnée, etc.).

Nous avons décidé de maintenir la définition pour tous les termes qui recouvrent des notions primordiales, même lorsque l’équivalence terminologique entre le français et le portugais est bien établie. Ainsi, un terme comme inflação [inflation] ne pose pas de problème au niveau de l’équivalence, mais il constitue un concept-clé du domaine de l’économie, et encore plus dans le contexte de l’économie brésilienne. C’est le cas de nombreux autres termes, tels que ação [action], câmbio [change], desvalorização [dévaluation], recessão [récession], etc. Ensuite, pour tous les termes (et ils constituent une majorité) qui recouvrent des notions difficilement compréhensibles par des non-spécialistes, la définition s’imposait. Il nous semble par exemple indispensable de fournir à l’usager d’un tel ouvrage, non seulement un équivalent dans sa langue, mais aussi une “ explication ” de termes comme depressão [dépression], reajuste [réajustement], deflator [déflateur], dólar paralelo [dollar parallèle], overnight [taux au jour le jour], pour ne citer qu’eux. Ces termes recouvrent en effet des notions très précises qui prennent un sens tout particulier dans le contexte brésilien. Un dictionnaire de ce type doit éclaircir non seulement les termes mais aussi la situation que ces termes décrivent. Ainsi, pour ne citer qu’un exemple, le terme confisco a pour équivalent [confiscation], mais il nous semble indispensable que l’usager puisse savoir de quelle confiscation il s’agit, ce terme, dans le contexte où il apparaît, ne fait allusion qu’au blocage des dépôts bancaires en mars 1990, une des mesures les plus radicales du plan économique Collor II. L’intérêt de ce “ discours ” sur la notion véhiculée par le terme nous semble évident.

Certains articles contiennent également un “ discours ” sur le terme et son utilisation ; ces précisions métalinguistiques peuvent être soit des collocations, soit des informations sur une utilisation particulière du terme. Ainsi, pour des termes comme rombo [trou de trésorerie] ou calote [emprunt non remboursé], il convient de préciser qu’ils appartiennent au registre familier, mais qu’ils sont néanmoins très utilisés, y compris par les spécialistes. Pour le terme importado [produit importé], nous avons précisé qu’il s’agit d’un adjectif utilisé en tant que substantif, pour désigner tous les produits importés. Lorsque deux termes désignent la même notion, par exemple dans le cas de nacionalização [nationalisation] / estatização [étatisation, nationalisation], nous informons l’usager que le terme nacionalização est beaucoup moins utilisé que estatização, dont la fréquence est nettement plus élevée dans le corpus. De la même façon, dans l’article freguês, qui désigne un client dans le sens d’une personne qui fréquente un établissement commercial, nous signalons que le terme cliente est plus utilisé et a un sens plus général.

Des exemples de collocations peuvent également être utiles à l’usager. Ainsi, dans l’article consacré à l’adjectif inflacionário [inflationniste], nous donnons les collocations processo inflacionário [processus inflationniste], surto inflacionário [poussée d’inflation], espiral inflacionária [spirale inflationniste]. Sous l’adresse empréstimo [emprunt], nous signalons que pedir um empréstimo correspond à [demander un prêt] alors que fazer um empréstimo correspond à [faire un emprunt]. Pour citer un dernier exemple, dans l’article leilão [vente aux enchères], nous donnons ir a leilão [être mis aux enchères] et fazer um lance [faire une offre].

Il nous semble que ces indications sont indispensables compte tenu de l’orientation didactique de ce dictionnaire.