C- Le prototype du passage accidentel

évoluer est un passage non radical (accidentel), et devient essentiel dans des contextes de mouvement et de déplacement, ce qui correspond notamment aux sèmes de remplacer et de déplacer.

Ainsi, le lexème évoluer se déclinerait-il en deux acceptions sémiquement représentatives des deux sens afférents suivants :

/déplacement progressif/ pour évoluer « spatialement »

et

/transformation progressive/ pour évoluer « temporellement »

L’évolution dénote une action progressive, mais peut également être une rupture, un changement de l’ordre du mouvement davantage discontinu.

L’utilisation d’un agent /animé/ ou /inanimé/ n’a pas d’influence sur le choix sémique du verbe en contexte :

Si ce n’est peut-être pour distinguer les institutions des hommes :

Le sème /abstrait/ associé à /extension/, déduit d’un exemple de la définition « changer progressivement de nature » (tous les types de « nature »), révèle un caractère moral du /Changement/ à distinguer du caractère physique (présent notamment dans se développer) par exemple : « L’adolescent évolue », il s’agit d’une extension davantage intellectuelle que physique au sens physiologique du terme.

En raison de la nature « écologiste » du corpus politique analysé, nous jugeons intéressant de nous arrêter sur le lexème évolution. Ce lexème apparaît dans le discours politique des Verts, dans les théories sous-jacentes à ce mouvement politique, et enfin, sa définition contient des aspects qui tendent à confirmer certains sèmes afférents culturellement marqués (/euphorique/) rencontrés dans le verbe évoluer.

évolution : Changement progressif de position ou de nature.

B. temporel : processus accidentel de transformation, passage progressif d’un état à un autre.

Biologie : a. (le terme de l’évolution est prévisible) développement individuel d’un organisme animal ou végétal depuis la cellule initiale qui le renferme tout entier en puissance et jusqu’à l’âge adulte (ou la sénescence). Synonyme : ontogenèse.

b. (le terme de l’évolution n’est pas prévisible) série de transformations qui ont conduit à l’apparition, puis à la diversification des espèces par filiation à partir d’une même forme de vie primitive. Synonyme : phylogenèse.

Remarque : l’expression « évolution progressive » apparaît rarement en raison de la notion de progrès inhérente culturellement au mot ‘évolution’ ; néanmoins, il existe des « évolutions régressives ».

Dictionnaire Historique : emprunt savant au latin evolutio « action de dérouler, de parcourir ». Sens spatial militaire et maritime.

‘évolution prend une valeur temporelle et figurée dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle où il est relevé en sciences naturelles (1762, Ch.Bonnet) avec le sens de « changement, transformation, développement », probablement par l’influence de l’anglais evolution. C’est dans ce sens qu’il se répand dans l’usage général, remplaçant en partie progrès, notamment à partir d’A.Comte (1822), […] puis par Darwin (1859).’

Dérivés en politique et en biologie

évolutionnaire : adjectif 1865, vieilli en biologie.

‘En politique, il a désigné comme nom (1867) un partisan du changement sans rupture (un réformiste).’

Nous avons retenu ce terme car il représente idéalement le déroulement de l’évolution autrement dit un changement progressif décrit grâce à la qualification « sans rupture ».

évolutionnisme : terme didactique qui s’applique à la doctrine de l’évolution des espèces et à une attitude politique.

‘Doctrine philosophique et sociologique (Spencer, Teilhard de Chardin) fondée sur le transformisme des biologistes (Lamarck, Darwin). (Frémy, 1998 : 314b)
Doctrine du XIXe siècle qui décrit les mécanismes de transformation des êtres vivants suivant des principes bien définis. Les théories diffèrent selon les auteurs : Lamarck décrira l’hérédité des caractères acquis tandis que Darwin théorisera le mécanisme de sélection naturelle. (Rey, 1995)’

La doctrine de l’évolutionnisme (issue de la théorie transformiste) remplace une doctrine antique, empreinte de théologie, dans laquelle chaque espèce engendrée par la « Force créatrice » l’avait été indépendamment des autres.

‘Il y avait donc des lignes de démarcation infranchissables entre les mondes ainsi créés. (Tort, 1996)’

À l’opposé de cette théorie, la doctrine transformiste considère que toutes les espèces sont rattachées par un lien continu et

‘Considère chacun d’eux comme le développement de l’inférieur, le point de départ d’où s’élèvera le supérieur. […] Pour le transformisme, tous ces éléments doivent être considérés comme le résultat de l’évolution, de la transformation d’un premier être, s’opérant suivant un rythme fixe [que les transformistes s’attachent à déterminer]. (Tort, 1996)’

Plusieurs conditions sont nécessaires à l’évolution :

  1. La nécessité d’un lien entre tous les êtres vivants : Tous les individus sont le développement les uns des autres, et dérivent tous d’un type primordial unique. (Tort, 1996)
  2. La nécessité de l’adaptation de l’être vivant au milieu dans lequel il vit : Si l’être vivant ne s’adapte pas en harmonie avec le milieu, alors il n’est pas apte à y vivre. Mais le milieu aussi change, et ces transformations influencent celles de l’être vivant.
  3. La nécessité d’une sélection naturelle : Si la transformation est absolument nécessaire à la vie, ceux chez qui elle ne se produit pas disparaîtront. Si elle n’est qu’avantageuse, ceux qui ne la subiront pas seront détruits ou relégués dans des situations inférieures par ceux qui auront été favorisés. (Tort, 1996)
  4. La nécessité de l’hérédité des caractères acquis : L’hérédité fixe les transformations acquises et en fait une caractéristique de l’espèce.

Ces remarques ont aidé à mieux cerner le programme politique des Verts quand il était question d’évolution plutôt que de développement ou même de changement dans un tel programme. Elles nous ont permis de comprendre qu’en politique le choix d’une évolution implique la conservation des fondements existants, tandis qu’un changement conduit davantage à une rupture avec le passé et donc l’élaboration de nouveaux fondements politiques.

Les Verts envisagent la nature au sein d’une évolution qui est immuable, stable, et à laquelle l’homme doit être contraint ; de ce fait, comment espérer changer quelque chose qui est défini comme stable ? Nous venons de comprendre que l’évolution est un événement continu, bouleversé parfois par des cataclysmes ‘changeanciels’, dans un temps infini et dont la nature fait partie. La nature est dans l’évolution et subit par conséquence des changements, sinon serait-elle toujours vivante ? Les écologistes ne sont apparemment pas forcément convaincus de ce fait puisqu’il aura

‘Fallu attendre le mois de juillet 1990 pour que l’Ecologycal Society of America décidât d’organiser un colloque pour convaincre les écologistes que l’instabilité dans la nature est un meilleur postulat de base que sa stabilité. (Tort, 1996 : 1328)’

Voient-ils l’évolution comme un cercle qui tourne sur lui-même et n’a aucune issue telle la roue ? Ou bien est-ce une évolution linéaire vers un progrès certain ou une décadence inévitable ? Selon l’idéologie baroque (Lenoble, 1990), seul le changement au sein d’une évolution non contrôlée, conduit à la décadence ; les Verts ont l’intention de contrôler les changements qu’ils mettront en place.