Section 1 : Evolution de la théorie de la firme et ses conséquences en termes d’approche du financement des entreprises

I) La neutralité de la structure financière en l’absence de conflits d’intérêt

Dans la tradition néoclassique (Modigliani F., Miller M., 1958, et Myers S.C Robichek A.A., 1965) et des modèles de la microéconomie financière notamment, la firme est assimilée à un agent individuel. En tant que tel, elle utilise des critères de décision qui lui sont propres au même titre que tout autre agent économique. La firme est considérée au mieux comme une boîte noire. "Et si on qualifie dans ce cas les décisions qui s'y prennent de décisions de compromis, on les traite néanmoins comme s'il s'agissait de décisions prises par un sujet unique ou un groupe unanime et on revient par conséquent au cas précédent."(Cobbaut, 1994). D’autres travaux vont progressivement remettre en cause certains postulats de la firme walrassienne. Un siècle et demi après la critique d’Adam Smith (1776), qui notait déjà la négligence dont pourront faire preuve les mandataires dans la gestion des affaires de leurs mandants, l’ouvrage célèbre de Berle et Means (1932) 20 donne naissance à la thèse du contrôle managérial. Deux aspects jusque là occultés par la vision néoclassique de la firme, sont clairement précisés :

  1. La multiplicité des catégories d'agents au sein d'une entreprise ;
  2. La possibilité de conflits d'intérêt à l'intérieur d'une même entreprise.

Enfin, la prise en compte du paradigme de l'asymétrie de l'information et du phénomène des conflits d’agence, permettra à de nouvelles approches de remodeler la théorie de firme 21 . D’agent individuel, l’entreprise se transforme en un nœud de contrats (Alchian, et Demsetz, 1972, Jensen et Meckling, 1976) ou en une structure de governance (Williamson, 1985). Dans cette perspective, nous tenterons d’analyser ces développements en nous focalisant sur les aspects financiers en liaison avec notre problématique de gouvernement d’entreprise.

Notes
20.

Berle A., Means G., (1932), The modern corporation and private property, Macmillan, New York

21.

C’est le cas notamment de la théorie de l’agence, de la théorie du financement hiérarchique, de la théorie des coûts de transactions et de la théorie des jeux.