1) La théorie de l’agence et la gestion des conflits d’intérêt

a) La théorie de l’agence : Une nouvelle approche de la non-neutralité de la structure financière

Dans la tradition néoclassique, l’entreprise est considérée comme un acteur individuel qui met en œuvre des critères de décision qui lui sont spécifiques. Rompant avec cette approche, la théorie de l’agence traite la firme comme une « fiction légale » qui sert de point focal à un processus organisationnel complexe où se confrontent des logiques parfois différentes et même conflictuelles. L’entreprise est alors assimilée à un nœud de contrats (Alchian et Demsetz, 1972, Demsetz et Meckling, 1976).

Son comportement est aussi comparable à celui d’un marché puisqu’il est souvent le résultat d’un processus d’arbitrage entre les intérêts des différents parties 31 . Devant cette réalité, la théorie de l’agence vise à identifier toutes les situations de conflits potentiels en vue de proposer des contrats incitatifs susceptibles d’assurer un fonctionnement « optimal » de la firme. La neutralité des modes de financement énoncée par Modigliani- Miller signifie implicitement la neutralité du pouvoir de décision des managers 32 . Cette hypothèse suppose qu’ils aient un comportement passif et ignore donc la «latitude managériale » (Charreaux, 1996). Or dans ce nœud de contrats qu’est la firme, la répartition des ressources dépend d’une autorité, en l’occurrence le manager, qui se substitue à la coordination par le prix.

Le second aspect, à travers lequel la théorie de l’agence montre le rôle central des managers, réside dans la délégation de pouvoir dont ils bénéficient. Conformément aux définitions de Ross (1973) et de Jensen et Meckling (1976). Cette délégation de pouvoir est caractéristique des relations d’agence. Le principal (ou le mandant) et l’agent (le mandataire) ont des fonctions d’utilité distinctes qu’ils souhaitent maximiser. De ce fait, leurs objectifs ne sont pas nécessairement convergents.

La divergence des objectifs et des fonctions d’utilité du principal et de l’agent est une source de conflits latents au sein de la firme 33 . L’incertitude qui subsiste en raison de l’imperfection de l’information sur les états de la nature et sur l’action de l’agent est alors susceptible de transformer ces conflits latents en conflits réels. Ces conflits sont la cause de coûts d’agence, qui sont d’autant plus élevés que l’asymétrie d’information est importante. Dès lors, les décisions de l’agent et notamment sa stratégie financière ne sont pas neutres sur la valorisation de la firme. Mieux, l’intégration de ces conflits d’agence devient un impératif majeur dans l’élaboration de la politique de la firme.

Notes
31.

Qu’on désigne dans la littérature financière par stakeholder.

32.

Ou du moins la neutralité des stratégies financières par rapport à la valorisation de la firme.

33.

Le conflit le plus connu est celui qui oppose les actionnaires aux managers. Mais, il existe également des problèmes d’agence entre les dirigeants actionnaires et les créanciers, ceux –ci endossant à l’occasion la qualité d’agents.