I) Les différentes conceptions du gouvernement d’entreprise

1) Le gouvernement d’entreprise comme mode de contrôle de l’utilisation des capitaux par les actionnaires

a) L’approche en termes de principal-agent

Par rapport à la théorie néoclassique, les travaux portant sur le gouvernement de l’entreprise se distinguent par l’intégration des conflits d’agence entre les différents acteurs de la firme. La résolution de ces conflits ainsi que la prise en compte de l’asymétrie de l’information, ont conduit ces nouvelles approches à introduire un nouvel aspect, à savoir le pouvoir. L’action qui était jusque là un pur instrument de placement chez les néoclassiques, est consacrée aussi et surtout, comme véhicule du pouvoir de décision économique.

Pour Shleifer et Vishny (1997), le gouvernement de l'entreprise traite des chemins et méthodes qu'empruntent les fournisseurs de capitaux (ou bailleurs de fonds) pour s'assurer un retour 75 sur investissement. Il s'agit, précisent ces deux auteurs, de contrôler efficacement les dirigeants pour qu'ils ne dérobent pas les capitaux mis à leur disposition ou ne les investissent pas dans de mauvais projets 76 . De son coté, M Albert estime que "le gouvernement de l'entreprise consiste à ne plus donner aux dirigeants des firmes qu'un seul et unique but, celui de maximiser les profits et les dividendes" (Albert M., 1994).

Dans le même ordre d'idées, Demb et Neubauer résument ces deux approches en liant directement le gouvernement de l'entreprise à la performance. "Corporate governance is a question of performance accountability" (Demb et Neubauer, 1992).

Ces définitions, ainsi que de nombreuses autres acceptions peuvent être associées avec la problématique du « principal agent ». En tant que principaux, les investisseurs recrutent les dirigeants. En leur qualité d’agents, ces derniers se chargent de la gestion et du fonctionnement de la firme. Les intérêts des dirigeants et des principaux sont différents ou, du moins, peuvent diverger. Le gouvernement de l'entreprise consiste alors à réduire, à défaut d’enrayer, ces divergences et à s’assurer que les firmes soient gérées au mieux de l’intérêt des investisseurs. Sous cet angle, ces définitions intègrent bien la nouvelle réalité des firmes en tant que nœud de contrats entre des intérêts parfois divergents dont il convient dès lors d’assurer une certaine convergence. Cette approche du corporate governance demeure néanmoins fidèle à la théorie néoclassique de la firme, en ce sens que l’objectif ultime recherché consiste à maximiser la valeur des fonds propres. L’intérêt est donc focalisé sur les seuls détenteurs des titres de créances résiduelles, en l’occurrence les actionnaires. Leurs rapports avec les autres acteurs de la firme, dirigeants, administrateurs, salariés,… ne sont étudiés que dans la mesure où ils constituent des pièces importantes de ce puzzle de maximisation de la « shareholder value », processus qu’ils peuvent soit accélérer, soit au contraire, bloquer ou ralentir.

Notes
75.

Implicitement, le retour sur investissement attendu doit être au moins égal au rendement des placements sans risque.

76.

Shleifer A., Vishny R., (1997), “A survey of corporate governance”, Journal of Finance, vol 52, n°2, juin, p.737