Conclusion

Dans ce chapitre introductif, nous avons essayé d’esquisser une première approche générale de la problématique du gouvernement d’entreprise. Pour mettre en évidence ce paradigme du corporate governance, il nous a semblé nécessaire de remonter à l’origine du problème qui réside, selon un consensus largement partagé dans la littérature, dans les conflits d’agence inhérents à toute firme de type managériale. Même si cette forme de propriété n’est pas caractéristique de toutes les économies mondiales, certains pays ou régions ont des entreprises dont le capital est plus concentré que d’autres (Europe continentale vs Etats-Unis), les problèmes engendrés par ces conflits persistent et seule leur acuité varie.

Dans cette perspective, il est apparu nécessaire de revisiter la théorie néoclassique de la firme. Outre les insuffisances de la conception traditionnelle qui assimilait la firme à une boite dont les actes sont assimilables à ceux d’un seul agent économique, nous sommes revenus sur les critiques et les limites de la neutralité supposée de structure financière. Cependant, c’est avec la théorie de l’agence de Jensen Et Meckling (1976) et les nombreux travaux qui s’inscrivent dans cette lignée que la théorie contemporaine de la firme prend son essor. La prise en compte des conflits d’agence et de l’asymétrie de l’information à l’intérieur même de l’entreprise permettra un total bouleversement de l’approche traditionnelle de la firme. Dans la vision contemporaine de la firme, les décisions des managers ne sont pas sans incidence sur les autres partenaires de la firme. Les décisions financières, et par extension le choix d’une structure de capital, sont désormais considérés sous un angle nouveau. Selon les choix qui sont faits, la position relative des dirigeants ou les intérêts des investisseurs peuvent être affectés différemment. Ainsi, les holdings de contrôle favorisent l’enracinement des dirigeants et l’appropriation du pouvoir par le bloc de contrôle. Avec la théorie des contrats, ces nouvelles considérations constitueront les premiers soubassements de la problématique du gouvernement d’entreprise. Celle-ci sera enrichie par les apports de la théorie des coûts de transaction. Les coûts de transaction donnent une légitimité aux revendications des autres stakholders qu’on ne trouve pas dans la théorie des droits de propriété dont s’inspire la théorie financière de l’entreprise.

Par ailleurs, les différentes restructurations que connaissent les économies occidentales, loin de se limiter aux seuls aspects financiers (montée des financements de type marchands, soumission à l’évaluation de la bourse, …) débordent les aspects liés à la gestion et au fonctionnement des firmes. Les problèmes sous-jacents à la mutation du corporate governance semblent, à cet égard, être « ..ceux de la résistance ou non des modèles industriels basés sur la coopération des stakeholders et non pas seulement sur les conflits des actionnaires et les mangers » (Geoffron P., 1997, p.102). Dans ce cadre, l’examen des modèles alternatifs de governance et leurs évolutions peut s’avérer riche de renseignements quant à la transformation actuelle du capitalisme français. Le chapitre n°2 suivant sera consacré à l’analyse de ces approches. Cependant avant de présenter les modèles eux même, il nous a paru important de mettre en relief, dans une première section, la philosophie du capitalisme actionnarial qui semble aujourd’hui animer les marchés financiers.