Section 2 : Stakeholder capitalism et gouvernement d’entreprise

Les modèles précédents du management par la valeur s’inspirent très largement de la théorie de l’agence. Dans ces approches, l’accent est mis presque exclusivement sur la protection des intérêts du principal. Au sein des firmes managériales, le but recherché est ainsi d’orienter l’action des dirigeants dans le sens de la maximisation de la valeur actionnariale. L’intérêt des autres  stakeholders  est relégué au second plan. Pourtant ces derniers sont, à des degrés divers, autant exposés au risque que les actionnaires. « Un stakeholder dans une organisation est par définition, tout groupe ou individu qui peut affecter, ou qui peut être affecté par la réalisation des objectifs de l’organisation » (R.E. Freeman, 1984). Cette définition, la plus généralement retenue, montre que ne peuvent être exclus du statut de stakeholder que les individus ou les groupes dont l'activité n'influe pas sur la firme, et dans le sens inverse, ceux qui ne subissent aucune conséquence du fait de l’activité de celle-ci. Cette définition est d’autant plus large que l’influence dont il est question ne doit pas être nécessairement réciproque.

D’ailleurs, Thompson, Watrick et Smith considèrent comme stakeholders tous les groupes « qui sont en rapport avec une organisation » (S.Thompson et alii, 1991). Plus précis J.W Kesinger et J.D Martin estiment qu’un « stakeholder est tout membre de la firme non-actionnaire dont le bien est lié à l’entreprise, tels que le créancier, l’employé, le client, le fournisseur, ou tout autre membre de la communauté au sein de laquelle se trouve l’entreprise » (J.W Kesinger, J.D Martin, 1992). Néanmoins, un auteur comme Clarkson restreint le nombre d’acteurs qui, au sein de la firme, peuvent se prévaloir du stakeholder en introduisant la notion du risque, « les stakeholders volontaires supportent une certaine forme de risque qui est le résultat de leur investissement sous forme d’un capital, financier ou humain d’une certaine valeur dans la firme. Les stakeholders involontaires sont placés dans une position risquée du fait des activités de la firme. Mais sans l’élément risque, il n’y a pas d’enjeu » (Clarkson, 1994).

Aussi restrictive soit-elle, cette définition de Clarkson montre clairement que les actionnaires ne sont pas les seuls acteurs de la firme à encourir le risque. Au-delà de leurs divergences, ces définitions montrent en effet que les autres stakeholders sont aussi susceptibles d’être affectés par les choix faits par « leurs » firmes. A partir de là, une stratégie exclusivement basée sur la maximisation de la richesse des actionnaires semble contestable et a priori non optimale.

Les approches dérivées du courant dit de la « stakeholder theory » proposent des solutions alternatives aux modèles de la « shareholder value ». Partant de la critique des fondements et des recommandations de cette dernière, la « stakeholder » théorie propose une philosophie totalement différente. Son principe de base est la prise en compte de l’intérêt de l’ensemble des « stakeholders » dans l’élaboration de la stratégie de la firme.