1) Identification des stakeholders : contours du débat

Plusieurs corps théoriques ont essayé de donner des justifications à l’inclusion (ou l’exclusion) des stakeholders ainsi que la priorité que la firme doit donner à chacun d’entre eux. Dans ce cadre, nous tenterons d’apprécier la pertinence de certains attributs et outils théoriques pour l’identification des stakeholders en nous basant sur la définition de Freeman (1984).

Les tenants d’une approche restrictive des objectifs de la firme estiment que les ressources et le temps sont limités et que par conséquent les dirigeants ne peuvent pas et ne disposent pas de l’énergie et des moyens nécessaires pour répondre à toutes les contraintes externes. Ils établissent alors une hiérarchisation des acteurs en fonction de leur importance et apports (their direct relevance to the firm’s core economic claim’s) pour l’entreprise. On parle de droits légitimes (legitimate claim’s).

Ainsi, du point de vue de la théorie des droits de propriété, la qualité de créanciers résiduels confère aux actionnaires le droit de préemption sur l’intégralité du free cash flow. Même si on parle de propriété des moyens de production plutôt que de propriété de la firme (Jensen et Meckling, 1976, Fama, 1980), on ne considère pas moins que les actionnaires peuvent à tout moment décider de se partager la totalité du profit 175 , avec tout les risques qu’implique un arrêt de l’investissement pour l’avenir de la firme, et par conséquent pour ses différents acteurs et son environnement (ou macro culture). Le fait que les actionnaires encourent le plus grand risque et qu’ils soient les propriétaires exclusifs des moyens de production leur donne un droit légitime de décider librement 176 de la façon dont ils vont gérer l’entreprise au sein de laquelle ils ont investi. En vertu de leurs droits « légitimes », les actionnaires peuvent donc affecter la réalisation des objectifs de la firme.

Cependant, leur marge de manœuvre n’est pas illimitée. Leurs décisions ne doivent pas transgresser le cadre légal. Le recours aux restrictions légales est donc un moyen pour ceux qui ne disposent pas de droits légitimes d’affecter l’organisation ou, tout au moins, résister aux effets des décisions qui s’y prennent.

A ce niveau, on peut relever deux attributs importants qui permettent l’identification des stakeholders au sens de Freeman (1984), la légitimité et le pouvoir. On peut alors se demander si la légitimité constitue la seule émanation du pouvoir ou, si au contraire, des acteurs non « légitimes » peuvent exercer une influence sur la firme, et enfin, comment ces deux éléments articulés à d’autres attributs peuvent aider à l’émergence d’autres catégories de stakeholders.

Notes
175.

Une fois réglées les rémunérations contractuelles des créanciers, dirigeants, salariés et autres fournisseurs.

176.

A la seule condition de respecter les clauses contractuelles et le cadre légal.