Conclusion de la première partie

Avec l’ouverture de plus en plus poussée des économies et la montée du poids des financements externes, les modèles de gouvernance connaissent une grande transformation. Le triomphe du marché, avec en filigrane, le net déclin des capitalismes japonais et de la sociale démocratie européenne qui tranche avec la vigueur des économies anglo-saxonnes, semble indiquer d’emblée les enjeux de ces évolutions. Comme le relève P Geoffron (1997), « Les problèmes sous-jacents à la mutation du corporate governance nous semblent être ceux de la résistance ou non des modèles industriels basés sur la coopération de stakeholders et non pas seulement sur le conflit des actionnaires et des managers ». Cette affirmation trouve sa signification lorsqu’on sait que des concepts, tels que la valeur actionnariale (Shareholder value), l’E.V.A (economic value added), et la M.V.A (market value added) ou, des pratiques, telles que l’émission de junk bonds, la généralisation du recours aux stocks options, le downsizing et la multiplication des O.P.A hostiles, jusqu’alors totalement ignorés en Europe continentale et au Japon, façonnent aujourd’hui le discours et la démarche de beaucoup d’entrepreneurs de ces pays.

Paradoxalement, c’est aux Etats-Unis que les O.P.A systématiques ne sont plus recherchées, tandis que de plus en plus de dirigeants anglo-saxons s’évertuent à introduire des relations fondées sur des pratiques de long terme (Kester, 1992 et Groenewegen, 1997). Même les fonds de pensions essayent de moraliser leur image en encourageant les firmes dont ils sont actionnaires à se préoccuper de quelques aspects sociaux et environnementaux. Ces évolutions traduisent-elles des mouvements de fonds vers une convergence des modèles de gouvernance  illustrant ainsi la non-viabilité des modèles extrêmes ? Pour l’économie des organisations, cette interpénétration est attendue. Elle est basée sur l’échec des structures spécifiques de gouvernance, lequel échec peut être corrigé par l’introduction d’éléments d’autres modèles types.

Pour autant on ne peut parler, à ce stade du moins, de modèle unique et universel de gouvernement d’entreprise. En effet, en dépit des transformations constatées, beaucoup de rigidités et de traits spécifiques caractérisent encore les modèles de base respectifs. Cette inertie est le signe, selon certains auteurs (Fukao, 1995, Schmidt, 1997, Brown et Reich, 1998), que la juxtaposition d’éléments de chaque modèle de base ne peut pas donner naissance à un modèle hybride plus adapté. 

Il existe une logique propre à chaque mode de gouvernance qui, certes peut être améliorée, mais aussi brisée avec des changements radicaux incompatibles. Il en est ainsi de la flexibilité de l’emploi, à l’américaine, qui serait incompatible avec le développement de certains investissements spécifiques. Le danger dans ce cas est plutôt d’obtenir un non-système.

Dans cette perspective, un gouvernement d’entreprise basée sur la prise en compte de l’intérêt de l’ensemble des stakeholders, avec des variations en fonction du contexte légal et institutionnel, constitue une voie de recherche d’autant plus prometteuse, que de plus en plus de travaux concluent au rejet de l’hypothèse de la maximisation de la richesse des actionnaires en tant qu’unique objectif de la firme. Encore faut-il disposer d’un modèles cohérent qui réponde à la fois aux droits des stakeholders et aux nouveaux impératifs de la globalisation.

L’économie française qui connaît, à l’instar de celles de ses partenaires européens, de profondes mutations peut nous fournir les premières indications sur le sens de l’évolution des formes de gouvernance et leur implication sur les modes de financement.