2) La crise énergétique et le redéploiement industriel

Après une longue période de croissance exceptionnelle, les premiers signes de crise de l’économie internationale apparaissent au début de la décennie 1970. La suspension en 1971 de la convertibilité du dollar et la fin des parités entre les monnaies entraîne une certaine instabilité du système monétaire international. Les monnaies fluctuent en fonction des taux d’inflation et de croissance plus ou moins élevés que connaissent les différents pays. Ainsi, le franc français qui est sujet à une inflation chronique est particulièrement éprouvé. Néanmoins, ces turbulences n’arrêtent pas le processus de la croissance.

A l’inverse, les premier et deuxième chocs pétroliers survenus respectivement en 1974 et en 1976 entraînent de forts déséquilibres au sein de l’économie française. Le déséquilibre de la balance commerciale pousse la France, qui importe les trois-quarts de son énergie, à un effort d’économie d’énergie. Ces efforts dont le but est de réduire le coût des importations ont pour effet une diminution de l’activité économique. Celle-ci s’expliquant également par une baisse des exportations consécutive à un renchérissement des produits exportés. Pour la première fois depuis 1945 on assiste à une rupture du long processus de croissance. En 1975, la production industrielle enregistre un recul de 10% par rapport à 1974.

Dans ce nouveau contexte, la politique économique, jusque là axée essentiellement sur l’expansion, connaît quelques nouvelles orientations : L’impératif industriel se transforme en «redéploiement industriel ». Devant l’incapacité de maintenir des investissements lourds et coûteux dans tous les secteurs, l’accent est mis sur la nécessité de créer les meilleures conditions d’une compétitivité sélective de l’économie. Dans ce cadre, la priorité donnée à quelques secteurs comme l’électronique, l’aéronautique, le nucléaire et le téléphone est poursuivie, avec pour une plus forte maîtrise technique, un renforcement de la politique de recherche et développement (création de l’ANVAR).

A l’opposé, l’Etat redevient redistributeur pour atténuer la brutalité du déclin ou de la mutation de certaines firmes ou de certaines branches (telle le textile). Des prêts et des aides sont débloqués pour, selon le cas, moderniser l’outil de production ou accompagner la fermeture d’unités ou encore encourager le départ de la main-d’œuvre excédentaire.

A côté de ces grands axes, l’option libérale n’est pas pour autant abandonnée. Dans cette perspective, l’ouverture sur l’extérieur est consacrée pour promouvoir la concurrence et éviter toute tendance au repliement des entreprises. En outre, le redéploiement industriel est conçu comme une manière de réduire l’intervention de l’Etat, celle-ci devant laisser la place aux règles du marché et à l’initiative privée pour ne garder qu’un caractère exceptionnel.

En dépit de cette volonté affichée pour le libéralisme, dans les faits, le rôle de l’Etat en tant qu’acteur central de la vie économique demeure important. D’abord les pouvoirs publics procèdent lors de la période 1974 à 1980 à la création de divers organismes d’intervention industrielle 227 pour soutenir l’activité des entreprises comme le Comité Interministériel pour l’Aménagement des Structures Industrielles (C.I.A.S.I., 1974). Ce dernier conseille les entreprises en difficulté et fournit les aides du F.D.E.S. pour celles d’entre elles qui peuvent être sauvées. Le C.I.D.S.E. (1979) qui remplit les mêmes fonctions à l’égard des PME et le F.S.A.I. (1979) de manière analogue, des mesures de soutien direct à l’internationalisation des sociétés françaises sont prises à travers les garanties de la C.O.F.A.C.E. et les aides du Crédit National et du F.D.E.S.

Enfin, des plans sectoriels sont mis en œuvre pour organiser le sauvetage de secteurs industriels en crise (sidérurgie, textile…) par divers mécanismes d’allégement de frais financiers, de reconversion de dettes en prêts participatifs. Ces différentes actions publiques aboutissent à des résultats positifs au niveau sectoriel. Néanmoins, elles dénotent l’implication encore forte des pouvoirs publics dans la vie des entreprises comme en témoigne le rôle toujours actif du F.D.E.S.

Ces faits traduisent les difficultés et les réticences qu’éprouvent 228 ces mêmes pouvoirs publics à mettre fin au dirigisme économique qui a jusque là prévalu en France. Celui-ci sera même conforté avec les nationalisations à l’occasion du changement de majorité politique survenu en 1981 ou encore le large recours à l’encadrement du crédit, une stratégie qui s’apparente plus à une pratique administrative qu’à une régulation par le marché.

Notes
227.

Comme le Comité Interministériel pour l’Aménagement des Structures Industrielles (C.I.A.S.I., 1974) qui conseille les entreprises en difficulté et fournit les aides du F.D.E.S. pour celles d’entre elles qui peuvent être sauvées, le C.I.D.S.E. (1979), remplit les mêmes fonctions à l’égard des PME et le F.S.A.I. (1979) est un fond destiné à favoriser les investissements productifs et les créations d’emplois, dans les régions en crise, en particulier, en facilitant le financement des implantations par le biais de prêts participatifs et de subventions.

228.

Même si l’inspiration libérale du gouvernement a permis d’éviter un dérapage de certains équilibres économiques hormis l’inflation et le chômage.