3) L’action de l’Etat dans le secteur productif

Sur le plan industriel, des actions sont entreprises pour reconstruire et moderniser l’appareil de production. L’accent est mis notamment sur la nécessaire diffusion, voire l’émergence, des nouvelles technologies, tant dans les industries manufacturières que dans des secteurs plus traditionnels comme le BTP et l’agroalimentaire. Concrètement, cette politique volontariste se traduit par la création d’un ministère de la Recherche et de l’Industrie. En outre avec le neuvième plan, apparaissent deux nouvelles procédures, les contrats de plan Etat-Région et les contrats Etat-Entreprise. Celles-ci inaugurent une nouvelle forme de planification fondée sur la contractualisation. Les contrats sont alors basés sur des engagements réciproques entre les entreprises et l’Etat ou entre ce dernier et les Régions.

Les contrats de plan Etat-Région constituent un lien de rencontre entre les priorités nationales et des priorités spécifiques régionales. La décentralisation mise à part, ces contrats visent également à la mise en œuvre d’une nouvelle politique régionale axée sur la modernisation industrielle avec notamment le développement des industries de pointe. Ceci se matérialise sur le terrain par la naissance des pôles de conversion.

Les contrats de plan entre Etat et Entreprise sont destinés quant à eux à assurer la cohérence entre les stratégies des entreprises et les orientations définies par l’Etat dans ses politiques économiques sectorielles. Les entreprises gardent une certaine autonomie, mais s’engagent en vertu de ce type de contrat à réaliser des objectifs d’intérêt général en contrepartie de l’aide publique qu’elles perçoivent.

Au total, les mesures prises depuis le début des années quatre vingt se sont d’abord traduites par la fragilisation de la structure financière des entreprises 235 avec une augmentation de l’endettement et une baisse de l’autofinancement, ce qui a pour corollaire un net recul de l’investissement. Néanmoins, le tournant de rigueur notamment la réduction des charges sociales, et de la pression fiscale ainsi que le contrôle de l’inflation d’une part, et la réforme financière d’autre part aboutissent à un renversement progressif de cette tendance. Les marges de sociétés se constituent et l’investissement productif repart.

L’arrivée en 1986 d’une majorité libérale aux commandes de l’Etat consacre cette évolution. L’encouragement de l’initiative privée entamée en 1984 et 1985 est entériné avec le vote d’une loi prévoyant la privatisation de soixante cinq entreprises nationalisées dont certaines depuis 1945 et la suppression de l’autorisation administrative de licenciement. Ces aspects mis à part, les chantiers lancés par le gouvernement socialiste tels la désindexation des salaires sur les prix ou la diminution du déficit budgétaire sont poursuivis et pour certains menés à leur terme 236 . Cependant le désengagement de l’Etat du secteur productif est loin d’être total. D’une part, le programme d’aide destiné à accompagner certains secteurs (automobile, sidérurgie …) dans leur restructuration est maintenu, d’autre part, si la mise sur le marché d’entreprises publiques s’accompagne d’une modification des structures de capital et d’une évolution des circuits de financement, elle n’entraîne pas pour autant l’abandon des liens organiques qui unissent ces entreprises aux pouvoirs publics 237 . La constitution de noyaux durs 238 au sein des firmes nouvellement privatisées constitue la première manifestation de la volonté des pouvoirs publics de ne pas abandonner le sort des entreprises au seul marché.

Dans la mesure où l’absence de fonds propres de ces sociétés peut déboucher sur des prises de contrôle hostiles et un déplacement du pouvoir décisionnel vers d’autres centres d’intérêt ou à l’étranger, ces noyaux durs constituent la première solution qui concilie ces deux impératifs 239 . Mis en place en 1986, ces mécanismes sont une nouvelle fois sollicités en 1993 lors de la seconde vague de privatisations. Dans l’intervalle, le gouvernement socialiste s’accommode de ces structures qui permettent de maintenir, à peu de frais, les grandes firmes françaises hors des convoitises étrangères. L’Etat concentre alors ses efforts sur l’accompagnement des entreprises publiques dans leur restructuration, le but étant de faciliter l’essor d’une économie mixte au sein de laquelle l’Etat actionnaire joue plus un rôle de garant de l’indépendance des entreprises.

Notes
235.

Les pertes cumulées des entreprises publiques entre 1981 et 1984 sont de 130 milliards de francs (Jaquillat, 1985).

236.

Institution d’une liberté totale des prix et de la concurrence en décembre 1986.

237.

C’est ainsi le cas du choix politique de base scellé à la libération, qui fait prévaloir un axe « Grande entreprise-Etat » dans l’industrie française, celui-ci demeure entier selon Brand et Duroussa (1989).

238.

Que F. Morin (1993) désigne également par cœur financier.

239.

Nous expliquerons dans la deuxième section comment les noyaux durs, à travers les participations croisées, ont constitué pendant longtemps une structure de défense anti-OPA efficace pour beaucoup de sociétés françaises de cotées.