3) Du G.A.S au G.A.P ou les prémices d’une transition

Le processus de libéralisation de l’économie française connaît une nette accélération. Sous la double pression des déréglementations européennes et du mouvement de fusions-acquisitions induit par la mondialisation, le retrait de l’Etat du secteur productif se poursuit à un rythme soutenu. En filigrane de ce processus, se dessine une évolution importante mais à l’apparence anodine dans le programme de privatisations. Quand ils ne sont pas tout simplement supprimés, les noyaux durs abandonnent leur ancienne dénomination de G.A.S (groupe d’actionnaires stables) pour la nouvelle appellation de G.A.P (groupe d’actionnaires partenaires) 300 . Contrairement au G.A.S, les actionnaires qui participent à un G.A.P sont seulement incités à faciliter le changement de statut et le passage au secteur privé concurrentiel des sociétés mises sur le marché pendant une période limitée de deux à trois ans.

En revanche, ils ne sont aucunement tenus de prévenir une prise de contrôle de la firme dont ils sont actionnaires. En l’absence d’un véritable pacte, les membres d’un G.A.P peuvent être eux même prédateurs. A la fin du quatrième chapitre, nous reviendrons sur l’exemple du Crédit Lyonnais, pour tenter de comprendre cette nouvelle réalité.

Parallèlement à ces évolutions structurelles, d’autres changements sont constatés dans la stratégie des entreprises françaises. En dépit de résultats positifs, plusieurs firmes (Alstom, Michelin, Renault) n’hésitent pas à recourir au  downsizing  pour satisfaire aux exigences de rentabilité du marché. Le souci de transparence est également pris en compte à travers la nomination d’administrateurs indépendants dans les conseils d’administration et une conversion au mode anglo-saxon de publication des résultats trimestriels. Enfin, plusieurs dirigeants n’hésitent plus à mettre en avant la stratégie de création de valeur actionnariale pour justifier des cessions non stratégiques ou des rachats de titres, ce qui constitue une pratique relativement nouvelle dans le capitalisme français. L’examen de la composition des conseils d’administration, et de la structure de capital de quelques grandes entreprises nous permettra de mieux évaluer la portée de ces évolutions et leurs implications en termes de modes de financement et de gouvernance. Nous verrons alors si tous ces indices convergent effectivement vers une transformation du modèle français du gouvernement d’entreprise.

Notes
300.

Cette nouvelle dénomination apparaît à l’occasion de la privatisation du Crédit Lyonnais en mai 1999.