4) L’évolution de l’intermédiation financière en France

a) Rappel théorique

La théorie moderne de l’intermédiation financière se développe à partir du modèle de Gurley et Shaw 384 qui distingue le financement primaire ou direct et le financement secondaire ou indirect. Dans le cadre du financement direct, les agents non-financiers à capacité de financement (essentiellement les ménages) mettent directement leurs ressources à disposition des agents non-financiers à besoin de financement (les entreprises et dans une moindre mesure l’Etat) sur les marchés de capitaux, les premiers souscrivant des titres (actions, obligations, …) émis par les seconds. Mais, leurs objectifs ne se rejoignent pas forcément, les ménages qui manifestent parfois une certaine aversion au risque, doublée d’une recherche de la liquidité préfèrent des placements à court terme, tandis que les entreprises ont besoin de capitaux à long terme. Grâce à leurs capacités de transformation de la nature des actifs et de gestion des risques, les intermédiaires financiers, et notamment les établissements de crédit, peuvent alors concilier ces deux objectifs en interposant leur bilan. L’activité de crédit en est la parfaite illustration 385 . Avec la place de plus en plus importante prise par les marchés de capitaux, on a alors commencé à parler du phénomène de désintermédiation comme un des grands traits de la globalisation financière 386 . Cependant, les intermédiaires financiers ne restent pas à l’écart de l’expansion des financements marchands. Ils figurent même parmi les acteurs des innovations financières 387 . La mobiliérisation de l’économie s’accompagne d’une profonde évolution de l’intermédiation financière. Ainsi, au lieu de désintermédiation, certains économistes considèrent qu’il est plus pertinent de parler de nouvelle forme d’intermédiation 388 . Sur les marchés de capitaux, les transactions sur valeurs mobilières impliquent en effet souvent la participation d’intermédiaires financiers. Dans le cas de l’intermédiation de titres, ces derniers souscrivent aux titres primaires émis par les agents non financiers à besoin de financement (entreprises, Etat) et émettent des titres de la dette secondaire qu’ils vendent aux agents à capacité de financement. L’exemple des OPCVM, qui proposent aux épargnants des sicav constituées de multiples supports (actions, obligations, titres du marché monétaire, …) sélectionnés tant sur les marchés domestiques qu’étrangers illustre parfaitement cette nouvelle intermédiation de bilan. Les intermédiaires, financiers peuvent également limiter le risque encouru en limitant leurs interventions à une offre de services consistant à faciliter, via leur plate-forme, la rencontre des agents non financiers à la recherche de placements avec les émetteurs de titres. Il s’agit le plus souvent d’opérations de courtage à l’occasion desquelles le bilan de l’intermédiaire n’est pas sollicité 389 .

Ces exemples montrent qu’on ne doit pas opposer systématiquement financement direct et intermédiation, la finance directe pouvant être intermédiée 390 . A l’inverse, la possibilité qu’ont les intermédiaires financiers d’acquérir des titres émis par d’autres intermédiaires financiers peut conduire l’augmentation de la part de la finance indirecte 391 , d’ou l’importance de la vérification de l’origine des titres primaires. Le Conseil National du Crédit et du Titre revient sur sa définition classique de l’intermédiation révisant par la même occasion son calcul du taux d’intermédiation.

Notes
384.

Gurley J.G et Shaw E.S., (1960), Money in a theory finance, Brookings institute.

385.

Même si nous ne perdons pas de vue que celui-ci est fondé en large partie sur la création monétaire. Mais celle-ci, qui est une forme d’anticipation de l’épargne future des agents, ne remet pas en cause le principe d’intermédiation.

386.

Plihon D., (1995), « Les mutations du système financier international », Cahiers Français, 269, p.11

387.

On peut citer à cet égard l’émission par les banques de certificats de dépôts pour palier la baisse des ressources collectées sous forme de dépôts traditionnels.

388.

Courbis B., Froment E., Karlin M., (1991), « Banque et finance », Encyclopédie économique, chapitre n° 44

389.

A l’exception des cas où l’intermédiaire offre à ses clients la possibilité de bénéficier de l’effet de levier, auquel cas, il peut encourir le risque de défaut de ce dernier.

390.

Conseil National du Crédit et du Titre (CNCT), Rapport annuel, Economie monétaire et financière, pp.81-82

391.

Ferrandier R., Koen V., (1997), Marchés de capitaux et techniques financières, 4 e édition, Economica, p.36