2) Les conseils d’administrations des entreprises françaises

a) Forme juridique et taille des conseils

Traditionnellement, dans le capitalisme français le recours au système du conseil dual, directoire et conseil de surveillance, est une pratique très peu répandue. Selon une étude du groupe Spencer Stuart portant sur 60 grandes entreprises françaises privées et cotées en bourse 395 , en 1997 seules 27% d’entre elles (soit 16 sociétés ) ont opté pour la structure duale du conseil de surveillance-directoire. En dépit des recommandations des milieux financiers sur la meilleure transparence qu’offre cette structure bicamérale, les 44 autres entreprises (soit 73 %) préfèrent s’en tenir à la formule traditionnelle du conseil d’administration cumulant à la fois les fonctions de décision et celle du contrôle. Il a fallu attendre plus d’un an après la parution du rapport Viénot II, ainsi que les « principes de l’OCDE relatifs au gouvernement d’entreprise », pour voir par exemple dix sept sociétés du CAC 40 (soit 42,5 %) adopter une structure de conseil duale à directoire et conseil de surveillance 396 . Cependant, il faut signaler qu’en dehors de l’Allemagne et des Pays-Bas où cette pratique est très répandue (100 % des grandes entreprises), les conseils d’administration de type unitaire demeurent la règle dans la plupart des pays industrialisés (Etats-Unis, Canada, Grande-Bretagne, Italie, Japon, Suède, Australie).

A première vue, on peut supposer que cette mesure n’apparaît pas comme une disposition importante pour l’instauration d’un système de governance efficace dans la mesure où peu de pays y recourent. En réalité, cela n’est pas le cas car dans ces pays, l’absence d’une structure duale du conseil d’administration est en en partie compensée par la séparation entre les fonctions de Président et celle de Directeur Général. Celle-ci est totale (100 % ) même dans des pays dont le conseil d’administration est une structure unitaire tels le Japon et l’Italie. Elle est de 90 % en Grande-Bretagne, 66 % au Canada et élevé dans d’autres pays comme l’Australie, la Belgique ou la Suède. La séparation des deux plus hautes fonctions au sein de l’entreprise permet une plus grande transparence à travers une meilleure identification des taches et par conséquent une plus forte responsabilisation du Président et du Directeur Général. Or en France, ces deux taches sont presque toujours assumées par le même personnage à savoir le Président Directeur Général. Les statistiques de Spencer Stuart sont sans équivoque à cet égard : sur les 73 % d’entreprises de l’échantillon 397 à conseil d’administration unitaire, aucune (0 %) n’opère de séparation entre les deux fonctions de Président et de Directeur Général. Celle-ci n’est apparue en France que grâce à l’introduction de la structure du conseil bicaméral. Et lorsqu’on sait que pour des conseils de 4 à 23 membres (14 en moyenne), le nombre d’administrateurs dirigeants 398 est peu nombreux (2,3 en moyenne), on comprend l’étendue du pouvoir des PDG en France 399 . Mais d’un autre côté, le renfort d’administrateurs externes est souvent considéré comme une condition d’un bon monitoring 400 . Encore, faut-ils que ces derniers disposent de toutes les compétences et l’indépendance nécessaires à l’exercice de leur tache. En effet, dans de nombreux cas certains dirigeants cumulent des présences dans des conseils d’administrations de sociétés très diverses et pour lesquelles ils n’ont donc pas tout le temps et toute l’expertise nécessaires au suivi et au contrôle de l’information fournie par l’exécutif. En France, ce cumul des mandats était le résultat inéluctable des participations croisées ce qui laisserait supposer sa disparition au terme du dénouement de ces dernières. La création de différents comités spécialisés (comité d’audit, comité de rémunération, …) et indépendants au sein des firmes est un des moyens susceptibles d’améliorer la qualité du travail du conseil d’administration. Cela suppose au préalable, l’absence de collusion entre les administrateurs et l’exécutif. Il apparaît donc indispensable de connaître l’origine socioprofessionnelle des dirigeants et des administrateurs en vue de mieux comprendre la nature des relations qu’ils entretiennent et leurs incidences sur le fonctionnement de l’entreprise.

Notes
395.

dont le chiffre d’affaires en 1996 allait de 1,07 milliards d’euros à 35,06 milliards d’euros ( 7 milliards de francs à 230 milliards de francs) et les effectifs de 1000 personnes à plus de 200 000 personnes.

396.

Ce qui est encore insuffisant pour des entreprises appartenant à l’indice phare de la place de Paris et à de nombreux indices sectoriels européens et dont les pratiques en matière de governance sont de ce fait soumises au suivi des investisseurs et autres agences de notation et cabinets de conseils. Néanmoins, c’est une évolution positive par rapport à 1997.

397.

Soit pour rappel 44 sociétés

398.

Qui en tant qu’insiders disposent de plus d’informations pertinentes.

399.

D’ailleurs cette séparation entre les fonctions de Directeur Général et celle de Président est un des points essentiels du rapport Viénot II (1999), de même qu’elle est reprise par le législateur dans les lois sur les nouvelles régulations économiques (mai 2001) mais juste sous forme de recommandation.

400.

Le rapport Cadbury (1992) considérait la présence d’administrateurs indépendants « très forts » comme un contrepoids à la non séparation des fonctions entre la direction générale et la présidence du conseil.