Conclusion

L’analyse des modes de financement et des stratégies de placement et d’investissement des agents économiques révèle de profonds bouleversements depuis prés de quinze ans. Les réformes financières ayant été initiées et conduites par l’Etat, la gestion de la dette publique est profondément affectée. Après l’abondant progressif du financement monétaire de la dette publique, c’est autour d’autres ressources liquides d’être remplacées par des financements de plus longue maturité. En 2000, 84,6 % de l’encours de la dette de l’Etat est sous forme de valeurs mobilières (obligations et Bons du trésor). Cette modernisation de la gestion de la dette publique a joué un rôle prépondérant dans le développement de la place parisienne et son ouverture aux investisseurs institutionnels étrangers. Ces derniers sont fortement présents tant sur le marché actions que dans le compartiment obligataire. Cependant, par rapport aux institutionnels français, les non-résidents se distinguent par une moindre aversion au risque. Parmi tous les agents étudiés, les investisseurs étrangers sont les seuls à avoir une structure de portefeuille dans laquelle les actions dépassent largement les autres produits financiers, notamment les obligations. Ils ont une stratégie offensive basée sur la maximisation du retour sur investissement tandis que les portefeuilles des institutionnels français reflètent, dans une certaine mesure, une stratégie dite de fligt to security. Si l’attitude défensive des banques peut s’expliquer par la nature de leur principale activité, le crédit 487 , en revanche, l’attitude des OPCVM et des sociétés d’assurance est plus problématique. En l’absence de fonds de pension, ces organismes sont, en dehors des non-résidents, les principaux investisseurs sur les marchés de capitaux français. Limiter leurs concours aux entreprises revient à pousser ces dernières à satisfaire leurs besoins en fonds propres auprès d’investisseurs étrangers avec ce que cela implique en terme de perte d’influence et de transfert des centres de pouvoirs. L’issue de la bataille bancaire entre la B.N.P et Paribas et la Société Générale, déterminée in fine en fonction de la position de ces institutionnels, fournit une illustration de cette nouvelle réalité.

Au-delà de cette différence dans la stratégie d’investissement, on relève cependant une forte progression des placements mobiliers sur les marchés de capitaux, qui se traduit dans les modes de financement des sociétés non-financières. Les sociétés françaises, du moins les grandes entreprises cotées, semblent substituer les financements par titre au crédit traditionnel 488 . En 2000, le crédit dans toutes ses formes (court terme et long terme, crédit commercial, crédit interentreprises) ne représente que 30% environ de l’encours des financements externes contre près de 70 % pour les actions et autres participations. Cette évolution asymétrique du crédit et du financement par fonds propres, au demeurant confirmée par l’évolution des taux de l’intermédiation, s’est traduite par une amélioration spectaculaire des taux d’autofinancement des firmes françaises. Toutes ces données convergent vers une tendance claire, la montée des financements marchands avec une mobiliérisation croissante du financement de l’économie. Beaucoup d’entreprises ont vu leur structure de capital changer profondément. La place, occupée jadis par des partenaires passifs, dans le cadre des noyaux durs et des participations croisées, revient aujourd’hui à des investisseurs institutionnels. Plusieurs firmes ont des investisseurs institutionnels comme actionnaire de référence. Or, selon « la théorie » du gouvernement d’entreprise, notamment les modèles principa/agent, la structure du capital est un des moyens permettant d’agir sur la gouvernance. Dans le cas des sociétés françaises, la réalité est un peu plus complexe. D’une part, l’arrivée des ces agents au capital des entreprises françaises incite les managers de ces dernières à donner plus d’importance à la rentabilité des capitaux investis et à la création de valeur. Les exemples de recours aux plans sociaux en vue de rétablir les marges bénéficiaires sont de plus en plus nombreux. D’autre part cependant, le fonctionnement des conseils d’administration et le mode de désignation des administrateurs reflètent plutôt une certaine résistance au changement. Or, cette inertie des conseils d’administration sert de rempart aux dirigeants qui préservent ainsi une partie de leur latitude managériale. Mais pour encore combien de temps ?

Notes
487.

Segment sur lequel elles prennent déjà des risques.

488.

Cette substitution n’est évidemment pas totale.