La période faste des Trente Glorieuses.

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la France entrera dans une période exceptionnellement longue de trente ans, de 1945 à 1975, appelée les trente glorieuses. Cette époque s’est traduite par des transformations importantes :

  • Accroissement du pouvoir d’achat moyen.
  • Amélioration des conditions sanitaires et sociales.
  • Équipement des ménages.
  • Amélioration du logement et du cadre de vie.

Cette longue période de prospérité économique, avec ses effets, aurait dû laisser penser que la pauvreté était une réalité appartenant désormais à l’histoire.

Le progrès technologique et la croissance économique paraissaient être la solution qui avait éradiqué ce fléau social. Parmi les améliorations notoires, la Sécurité Sociale était la plus importante dans la lutte contre la pauvreté. Les inégalités salariales et de revenus tendaient à se réduire.

Cependant, cet engouement pour cette nouvelle société de consommation, semble avoir endormi la vigilance de ceux qui avaient en charge la gestion de cette période faste. L’accélération des mutations économiques et sociales que cette dernière a enregistrées n’a pas été anticipée. L’industrialisation, l’accroissement démographique et l’exode rural représentent autant d’éléments qui ont contribué à la progression d’une concentration urbaine non maîtrisée. La conséquence en fût une pénurie de logements, qui a entraîné une nouvelle apparition de la pauvreté pour toutes les familles (les bidonvilles de Nanterre, St Ouen, et de la périphérie de Paris) qui ne pouvaient se loger décemment, avec les conséquences sociales et éducatives que cela a immanquablement entraînées. Nous voyons ainsi réapparaître, à la fin des années cinquante, des situations de précarité, mises en évidence avec l’hiver 1954 par l’appel de l’abbé Pierre, et un climat de violence que rappelle l’été chaud de 1959, appelé “l’été des blousons noirs”. Ces indicateurs de problèmes sociaux étaient certainement de minuscules fissures, amorçant et préparant les ruptures sociales que nous connaissons aujourd’hui.

Les années 1960-1970 ont répondu à cette situation dans l’urgence en construisant des grands ensembles dans les banlieues, au mépris d’une prise en compte sociologique des exigences minimum d’une vie collective. Nous pouvons évoquer l’ expérience du psychologue CALOUN sur le comportement des rats vivant en espace réduit qui pourrait évoquer les incidences d’une urbanisation non pensée et non maîtrisée.( 14 )

Le terme de banlieue peut être découpée ainsi ; ban-lieu, lieu au ban, le ban trouvant son origine dans la période féodale : le ban et l’arrière-ban, les vassaux, directs et indirects, induisant une notion de hiérarchie auprès du seigneur ou du roi qui, eux, sont au centre. Il y a également une référence à l’éloignement, voire au rejet : le bannissement, où être au ban de la société, être indigne d’être dans la société ou encore à la rupture, être en rupture de ban. Plus près de nous, la banlieue est née de l’extension des villes, et ce dés le XIX ème, avec “la banlieue rouge”, hébergeant la classe ouvrière et les usines ; le néologisme “Banlieusard” a fait son apparition en 1889; il désigne les paysans, ouvriers, travailleurs, employés et zonards... tous habitant hors des murs de la cité. Ce sont aujourd’hui, les grands ensembles, dont on connait les effets, avec “ le phénomène des banlieues”, qui sont, à nouveau, les lieux propices à la pauvreté et à l’exclusion.

Au cours de cette décennie, surgirent également les événements de mai 68. Nous pensons nécessaire de voir dans ces événements des prises de position contre l’accroissement des inégalités, émanant de personnes avisées (Hommes politiques, Syndicalistes, Universitaires et Artistes engagés) relayant, par le discours de la contestation, la violence de la rue, qui s’était déjà exprimée avec les blousons noirs au début des années soixante. Il ne nous semble pas possible de réduire cette contestation à un chahut d’étudiants ou à une crise d’adolescents hippies (qui prônaient soit l’évasion ou la fuite par le voyage vers des sociétés qui ne connaissaient pas encore la société de consommation, soit le retour à la terre possible, soit l’utilisation de stupéfiants qui permettaient le “voyage” sans se déplacer). Cette contestation a retrouvé du sens dans les événements de 1973, avec le premier choc pétrolier. Ce dernier peut d’ailleurs être interprété comme une conséquence d’une certaine politique de croissance aveugle, qui n’a pas réinvesti ses bénéfices dans un modernisation progressive de ses outils de production. Cela au prix d’un accroissement des disparités, et non pas comme une cause alibi à notre situation actuelle.

Le second choc pétrolier, de 1979, entraînera, dés le début des années 80, notamment vers 1985, la montée du chômage. La précarisation du travail se confirme. Nous voyons se développer une forme accrue de la pauvreté : l’exclusion, qui touche les populations les plus fragilisées. Ces populations de “nouveaux pauvres“ deviennent, vu le glissement de leur situation, des exclus, avec les conséquences sociales que cela implique, notamment les différentes formes que peut prendre cette exclusion : par le logement, par le travail, par la famille, par la santé, par l’éducation et par la disqualification sociale que cette réalité génère. Ne pouvant tout traiter dans le cadre de notre recherche, nous retiendrons l’éducation.

Notes
14.

LENOIR René, Les exclus, Paris, Editions du seuil, 1974.