CHAPITRE 2 : ÉVOLUTION DE LA NOTION DE PREVENTION SPECIALISEE

2.1 : L'après-guerre

Les premières expériences de ce qui allait être la Prévention Spécialisée sont nées des conséquences de la seconde guerre mondiale. Comme une répétition, après la tuerie de la guerre de 14,18, les jeunes adolescents ont été à nouveau témoins de l’atrocité de la guerre, de la déportation de membres de leur famille, la mort ou l’emprisonnement de leurs pères, l’exode forcé, etc ...

Ces différentes épreuves ont malheureusement été le prix à payer pour qu’une nouvelle époque s’ouvre à tous ces jeunes. A la fin de cette guerre, des progrès techniques et de nouvelles formes d’énergie ont vu le jour. Les jeunes se retrouvent dans les caves, les zones. Ils se créent une existence sous l’influence de la culture américaine. Avec la volonté d’oublier, ils inventent de nouveaux jeux, rites et rythmes poussant leurs rêves, la danse ; le rock an roll commence à faire une timide percée. Dans ce contexte d’explosions, de nouveautés, de lieux de rencontre, de liberté, de nouveaux comportements apparaissent (fugues, violences, vols, etc ...). Ces derniers étaient un défi au monde. Ainsi, les premiers symptômes d’inadaptation sociale de l’après guerre ont vu le jour.

Les pouvoirs publics ont eu pour souci d’enrayer ce phénomène. La crainte de ne pouvoir y arriver fait naître une nouvelle juridiction compétente pour la délinquance des mineurs, avec la création des juges pour enfants (ordonnance de 1945). Le service de l’éducation surveillée était né. La politique d’action sociale est réellement impulsée au cours de cette période d’après-guerre. Ainsi se mobilisaient des volontés pour harmoniser répression, rééducation et prévention. Ces actions remplaçaient les bonnes oeuvres et les patronages de l’entre deux-guerres. Une crainte naît, que l’été 1959, “ l’été des blousons noirs ” ou encore “ l’été chaud ”, concrétise. Nous retrouvons cette ambiance dans la production cinématographique américaine de l’époque avec : “ La fureur de vivre ” de l’américain Nicholas Ray, “ A l’Est d’Eden ” d’Elia KAZAN ou encore le film “ Blackboard Jungle : Graine de violence “ de Richard BROOKS en 1954 etc ...

Les nombreux problèmes que pose la jeunesse et l’intérêt que suscite alors cette nouvelle forme de travail, la Prévention Spécialisée, ont conduit les pouvoirs publics à subventionner les premières tentatives d’action de prévention. Ces actions, menées par des bénévoles, étaient très diversifiées, car très locales ; c’est l’époque des pionniers.

Par les circulaires des 20 avril 1959, 3 septembre 1960 et 2 octobre 1963, le Ministère de la Santé tente de définir et de faire progresser la réflexion à propos des clubs et équipes de prévention. C’est à cette période que deviennent officielles les subventions allouées aux associations responsables de prévention spécialisée. Parallèlement, le Haut Comité de la Jeunesse organisait en 1961 un colloque qui, regroupant les divers ministères concernés, a porté sa réflexion sur les “critères” de la prévention, le financement et la formation des éducateurs. Apparaît alors pour la première fois l’appellation “ PREVENTION SPECIALISEE” .

Un arrêté du 14 mai 1963 institue “le Comité National des CEP contre l’inadaptation sociale de la Jeunesse”. Ce comité, rattaché directement au cabinet du Premier Ministre, est chargé de coordonner les activités, d’enquêter et de faire toute proposition tendant à développer des actions de prévention. Aujourd’hui, il s’appelle Comité National de Prévention de la délinquance, à l’initiative de Gilbert BONNEMAISON : rapport au premier ministre “Face à la délinquance : Prévention , Répression, Solidarité“ Décembre 1982. Nous noterons que cette instance met en avant la seule notion de prévention de la délinquance et comporte donc, le risque de réduire l’inadaptation sociale (pris dans sa globalité en 1963) à un seul de ses symptômes car si tous les inadaptés sociaux sont en souffrance, tous ne sont pas délinquants. Une commission permanente et interministérielle, créée par un arrêté en date du 9 septembre 1970, est chargée des études relatives à la coordination en matière d’adaptation et de réadaptation. Elle doit déterminer la politique générale de prévention et coordonner l’action des différentes administrations. Il apparaît alors logique aux pouvoirs publics d’intégrer l’action spécifique des clubs et équipes de prévention dans le programme de prévention qu’elle doit définir. L’arrêté interministériel du 4 juillet 1972 institue, auprès d’elle, un conseil technique des clubs et équipes de prévention spécialisée ( article 1er ). Celui-ci remplace le “Comité National des Clubs et Equipes de Prévention contre l’inadaptation de la jeunesse” fondé en 1963.