5.1 : De la marginalité à l’exclusion

Le fait de “Vivre en marge“, c’est communément vivre “sans se mêler à la société ou sans y être accepté“. Mais voyons les points de vue de l’historien, du sociologue et du psychiatre .

Georges Duby, différenciait trois types de marginalité dans la société féodale :

  • La marginalisation temporaire et rituelle : la pénitence en proportion de la faute qui, sous la Révolution, sera remplacée par l’incarcération, le rite du passage de l’enfance à l’âge adulte, caractérisé par l’errance dans la forêt, des chevaliers errants.
  • La marginalisation institutionnalisée : enfermement des malades supposés contagieux, comme les lépreux, sectes hérétiques ou retraites monastiques.
  • La marginalisation des femmes : celles-ci représentaient un danger pour la société masculine. Les sorcières reconnues hérétiques étaient exclues et brûlées, les autres étaient cloîtrées ou enfermées.

Pour l’historien, la marginalité “remplissait une fonction d’exutoire à ce qui risquait de troubler l’ordre à l’intérieur de la société officielle “. ( 19 )

Michel Taleghani distingue marginalité et exclusion: la première, volontaire se rapporte aux normes, alors que la seconde, subie, se rapporte aux droits.

Ces deux concepts sont inséparables du système de valeurs qui détermine normes et droits. Considérons un groupe, le plus souvent informel ; ce dernier vise un accord sur des intérêts communs et se dote d’un système de régulation valorisant ceux qui respectent les règles et sanctionnant ceux qui les transgressent. On choisit les normes en fonction de la connaissance et de l’usage que l’on a de ces dernières. On ne les rejette délibérément que dans la mesure où l’ on est capable de les appréhender et de les maîtriser. ( 20 )

Le concept de marginalité est d’ordre social. La marginalité serait donc la méconnaissance ou le rejet de la norme (norme scolaire, norme sociale), mais aussi la recherche de la loi et serait donc subie. Relativisons cela avec l’exemple d’un jeune dont on ne pourra dire qu’il ne connait pas la loi concernant le vol. Même s’il le sait interdit, il n’en mesure pas obligatoirement toutes les conséquences car bien souvent, à travers cet acte, il recherche la Loi et symboliquement le père. En outre, beaucoup de jeunes mineurs nous racontent “aller sur les coups“ à la place des majeurs qui, eux, risquent la prison. Beaucoup d’entre eux veulent croire en leur impunité devant la loi et ignorent qu’ils sont pénalement majeurs à l’âge de 16 ans. Ainsi, ils sont entre la marginalité et l’exclusion, car ils ignorent partiellement la loi et la norme. S’ils ont choisi la marginalité pour faire appel à la loi, ils n’ont pas obligatoirement choisi l’exclusion ; ils la subissent.

Enfin, pour le professeur J. POXEL, psychiatre, les marginaux du secteur psychiatrique sont tous ceux qui, soit sont exclus par les psychiatres qui bien souvent laissent volontiers ces publics à des équipes extérieures à leur service , soit refusent de consulter. Ce sont essentiellement les psychopathes, auxquels s’ajoutent aujourd’hui les adolescents pré-délinquants, les toxicomanes, les alcooliques, les immigrés en quête d’identité culturelle, les chômeurs, les sujets en rupture de ban avec la société et, désormais, les personnes âgées qui, parfois, sont à la limite de la désinsertion sociale. Toutes ces populations vivent un risque d’inadaptation sociale.

Notes
19.

XXXII ème journées de le Fédération Nationale des associations Croix-Marine “La Marginalité, Etat ou Etape ?” du 26 au 28 septembre 1983 à Paris.

20.

XXXII ème journées de le Fédération Nationale des associations Croix-Marine “La Marginalité, Etat ou Etape ?” du 26 au 28 septembre 1983 à Paris.