5.4 : Description du processus de marginalisation

Afin de mieux comprendre notre perception du processus de marginalisation, nous décrirons très schématiquement trois situations :

Un jeune de milieu défavorisé fait l’expérience de l’impuissance sociale des adultes qui lui servent de référence : “Mes vieux, c’est des cons”. Ses parents vivent repliés sur leur lieu d’habitation, isolés, sans réseau relationnel valorisant, ils ne sont pas l’objet d’une considération sociale positive dans l’environnement, et ne parviennent pas à partager un consensus minimal avec ce dernier. Ils perdent alors automatiquement toute autorité sur leurs enfants. En dehors de la famille, le jeune ne peut s’appuyer sur aucune autre puissance sociale suffisante. S’il fait, par ailleurs, l’expérience d’une dévalorisation sociale à l’école, son niveau d’aspiration à une socialisation normale semble inaccessible, le destin, vécu en fatalité toute puissante, décidera de son sort ; c’est la loi de la fatalité qui se met en place. Sa fragilité psychologique est telle qu’il tentera, pour paraître fort, d’acquérir tout de suite et à tout prix les symboles d’une réussite considérés comme tel, dans l’environnement : argent, vêtements de marque, véhicules puissants, etc... . Il dominera son environnement en utilisant des filiéres paralélles ce qui lui donnera l’illusion d’être adapté à son milieu par ce dispositif compensatoire.

Le jeune sait qu’il peut s’appuyer sur ses parents, qui lui montrent leur puissance sociale ; ils bénéficient de la considération sociale de leur environnement. S’il rencontre des difficultés scolaires, celles-ci seront discutées avec ses enseignants, avec les institutions et feront l’objet de négociation avec lui. Son espace social se situera dans l’espace social de ses parents. Ce jeune vit dans un univers domestiqué. Ses aspirations peuvent s’inscrire dans la durée ; il est inconsciemment rassuré sur son avenir et peut donc différer ses désirs. Il ressent moins le besoin de s’inclure à tout prix dans une “sphère” revendicative et vindicative.

Cependant, les parents en possession d’une certaine “puissance sociale” peuvent très bien ne pas assurer la sécurité affective de l’enfant. Leur assise sociale ne supplée donc pas à toutes les carences ; si l’insertion sociale et professionnelle est souvent, même dans ce cas, sauvegardée, rien ne dit qu’il en sera de même pour l’équilibre de la personnalité.

Le niveau de puissance sociale des parents est bien au-dessus de la moyenne. C’est le modèle des parents qui peut devenir inaccessible. Des troubles de la personnalité peuvent apparaître, mais l’accesssion à une réussite sociale moyenne est pratiquement garantie.

Nous pouvons donc représenter ce processus de marginalisation et les réactions du corps social qu’il entraîne, sous la forme d’un balancier ( 23 ). Cependant, il faut remarquer que le corps social, par ignorance des processus de marginalisation, ne réagit qu’aux effets et, en particulier, à ceux qui affectent l’ordre public. C’est ainsi que les activités “Opérations été chaud” et les mesures de prévention préconisées pour ces périodes ne sont pas efficientes puisqu’elles ne visent qu’à réduire les désagréments commis par les jeunes.

Cette action sociale est réduite le plus souvent aux “fauteurs” de troubles : délinquants et familles à problèmes. Ce type de réponses ne peut que les mettre en toute puissance, dans un positionnement de “client-roi”.

Notes
23.

Schéma en annexe.