Mépris du père et défi au monde adulte

Les jeunes agressifs cherchent moins que les autres l’aide et la présence de leurs parents, (bien que celle-ci leur manque) sachant qu’ils ne peuvent compter sur eux. Les modalités de la crise “normale” d’indépendance liée à la période adolescente (âge, nouveau type de relation, sorties, habillement, etc....) est distincte de l’ indépendance précoce de certains jeunes, vis à vis de leur père, car celle-ci est plus marquée et en cela se démarque de la crise d’adolescence. Il faut distinguer la révolte normale, qui permet la différenciation, et l’identification (indispensable pour la formation de l’autonomie) ; chez certains jeunes, il existe un tournant dans cette révolte qui lui donne une autre lecture, celle du refus de l’identification à un père méprisé et rejeté ainsi que des valeurs référentes à la loi inhérente au père et, par conséquent, le mépris et le rejet de tout le système de valeurs sociales. Gardons-nous, cependant, de penser que le glissement dans la délinquance se ferait de façon plus importante dans les classes sociales défavorisées ; il atteint tous les milieux.

Cette absence de perception de l’autorité est terrible pour ces jeunes, car ils sont sans limites ; contrairement à ce que l’on pourrait croire, c’est particulièrement angoissant pour un adolescent de penser qu’il a le pouvoir de faire peur à un adulte. Cela le met dans une position de toute-puissance inquiétante, lui qui attend de l’adulte des limites qui le rassureront. Cela concerne des enfants de l’âge de neuf, dix ans ; certains sont à la rue de 11 heures du matin, jusqu’à minuit voire plus tard. La rue sera alors le théâtre, où l’on va pouvoir se construire un personnage. Là, ils peuvent enfin exister ou espérer exister, mais la rue est également une prison, à ciel ouvert, la première et, malheureusement, pas la dernière pour beaucoup d’entre eux.

Certains vivent des tensions en se déculpabilisant d’avoir des parents qui ne les assument pas. Ils les mettent hors de cause dans les “bêtises” qu’ils commettent, en disant que leur famille n’est pas responsable et reportent ainsi leur agressivité sur d’autres adultes, figures substitutives de l’expression de la loi. Les parents complices, dévalorisent souvent ces acteurs sociaux (éducateurs, animateurs, enseignants, psychologues, policiers, etc...) en prenant parti pour leurs enfants car ils se retrouvent souvent en rivalité inconsciente avec ces derniers.

Ces attitudes contradictoires des adultes ressemblent fort à celles des adolescents qui fonctionnent dans le clivage. Ces différents intervenants ne doivent pas se laisser piéger par les représentations négatives de certains parents. Ils ne doivent pas non plus chercher à les inverser en adoptant les attitudes que les jeunes attendent, ce qui les entraînerait sur les voies de la culpabilité et de la justification, donc de la faiblesse. Ils doivent au contraire entraîner les parents et adolescents dans des relations respectueuses, qui leur permettront de penser que leur hostilité initiale n’était ni fondée, ni justifiée.