L’importance du groupe

La rue et le groupe se sont substitués à toute autre autorité, parentale ou scolaire. Que l’on se promène dans les quartiers, la journée, en soirée, l’on rencontre toujours des groupes de jeunes, passant leur temps à discuter (parfois bruyamment) dans les cages d’escaliers ou dans les locaux à poubelles transformés en ateliers mécaniques clandestins, où sont bricolés des mobylettes et vélos. Grandir dans ce contexte n’est pas sans difficultés, surtout quand le jeune atteint l’âge de l’adolescence et affronte les problèmes propres à cette période de changements, accumule les échecs, voit sa situation de plus en plus précaire et se retrouve sans statut, sinon celui de “bon à rien” ou de “jeune voyou”, qu’on lui attribue à longueur de journée. Ainsi, c’est souvent dans les milieux les plus déshérités des villes, des banlieues, voire des campagnes, que les jeunes se regroupent, parce que le groupe, la bande, permet de tenir devant le désarroi que provoque ce que François Dubet a nommé la Galère ( 24 ). L’importance de la bande est inversement proportionnelle au sentiment d’incompréhension des adultes ; en effet, plus ce sentiment est intense et plus le fossé se creuse, plus grandit le rejet de ce monde d’adulte et plus la prégnance de la bande est importante. La bande, c’est le seul lieu de refuge et de solidarité face à cette incompréhension. C’est le lieu rassurant d’où l’on peut critiquer les parents et remettre en cause les valeurs du milieu social. Tout le dynamisme individuel est tourné vers le groupe. Le groupe permet à l’adolescent de décharger ses pulsions agressives sans culpabilité.

C’est un lieu d’échange des informations. Il représente une façon sécurisante de prendre ses distances par rapport au monde des adultes. Le groupe est vécu comme un lieu protégé, où l’on partage les mêmes soucis, désirs ou angoisses. C’est également un lieu de projection. Il a une fonction importante, dans le sens où il permet de transgresser et d’évaluer les conséquences de ses actes. C’est aussi un lieu où le jeune est accepté par les autres, avec qui il aura une certaine complicité. La bande comprend et protège des agressions extérieures. Ces jeunes ont en commun tout un passé, souvent semblable. Ces points communs rassemblent des traits significatifs qui, la plupart du temps, sont associés.

Notes
24.

DUBET François, La galére : jeunes en survie, Paris, Edtions Fayard, 1987.