6.2 La difficile insertion professionnelle et un avenir plus qu’incertain

Comme nous l’évoquions précédemment, il est très difficile, de s’insérer professionnellement et de surcroît sans avoir pu acquérir une qualification à la sortie de l’école. Alfred SAUVY pensait que les sociétés qui vieillissent n’aiment pas “les jeunes“ ( 25 ) : ils dérangent et rendent jaloux ; en France, le taux de chômage des moins de vingt-cinq ans actifs est plus important par rapport à la population active dans son ensemble. Nous pouvons donc presque employer le terme de“surchômage“ pour ceux qui ne se font plus d’illusion quant aux possibilités d’accés à l’emploi par les actions d’insertion et de formation (pour chômeurs de longue durée) ou de formation de rattrapage dans le cadre du crédit formation individualisé (pour ceux qui sont sortis du système scolaire sans diplôme ni formation). Les stages proposés depuis de trop nombreuses années ont largement perdu de leur attrait, car ils ne débouchent que très rarement sur un emploi. Aussi ces jeunes restent-ils très longtemps sans travail. Ils ne trouvent même plus de missions intérimaires car, souvent éloignés, elles nécessitent un véhicule et un permis de conduire. Ils traînent donc dans la rue, dans les cafés quand ils ont de l’argent. Ces longues périodes d’oisiveté entament leur chance d’insertion dans la vie active. Ils n’ont aucun rythme de sommeil, de lever, de coucher, perdent peu à peu les repères et l’habitude de travailler .

Leur potentielle intégration repose sur une valeur : le travail. Or ils vivent un cruel dilemme, car cette valeur devient de plus en plus obsolète. Ils n’ont aucun statut, et bon nombre n’ont même pas celui de demandeur d’emploi. Ils n’osent pas, pour certains, s’inscrire à l’ANPE et n’ont pas connaissance de leurs droits. Ils restent ainsi dans une semi-clandestinité ; cette situation les rend défaitistes et compromet leur capacité à se projeter dans l’avenir. Ils n’ont pas ou peu de projets et vivent au jour le jour, fatalistes, en refusant de savoir ce que sera demain. Leur avenir (le mot est inconnu) ce sera le chômage, la “débrouille“ et, peut être, la prison.

Notes
25.

extrait du jounal, Le Monde diplomatique, “le savoir, clé du pouvoir ?”, Janvier 1994