Écouter, décrypter la demande

Il ne faut pas s’y méprendre, le jeune, comme l’iceberg, ne découvre qu’une infime partie de ce qu’il est vraiment. La confiance mutuelle est longue à construire ; aussi la demande évoluera-t-elle parallèlement à la relation. Il faut cependant, à force d’expérience, être vigilant à tout ce qui est dit, mais surtout à ce qui n’est pas dit. Le déchiffrage n’est pas chose facile, car il comporte le risque de s’enfermer dans une relation strictement privilégiée, qui nuira au jeune par rapport à son groupe, ainsi qu’à nous-même par rapport à ce même groupe. En effet, le sentiment de protection de l’un au détriment du groupe est vite ressenti par ce dernier.

Nous constatons également que le jeune, dans un même temps, peut avoir des demandes différentes selon les membres de l’équipe éducative. La relation étant totalement libre, il pourra, ou non, donner certaines indications ou bien en inventer : en avouant des délits imaginaires, il vérifie si nous le considérons toujours au travers d’une image de déviant ou de délinquant. Le travail de rue, c’est une mise en relation, une mise en confiance avec les jeunes et les populations. C’est un long travail d’écoute et d’attention. Il faut être patient pour repérer et être repéré, et du temps, avant qu’au-delà des quelques demandes formelles ( “j’cherche du boulot”...), les jeunes nous confient leur mal-être, se révèlent un peu, et que débute un travail de fond pour répondre à ce qui souffre en eux. Une fois la relation établie, celle-ci s’entretient toujours dans la rue, avec en parallèle, un travail d’accompagnement, de soutien individuel, dans tous les domaines de la vie (travail, logement, scolarité, justice, santé, famille, loisirs...), qui doit laisser entrevoir des perspectives à moyen ou même à long terme. Ces actions, les jeunes doivent s’y impliquer pour rompre les scénarios d’échec. Cette pratique du travail de rue, la liberté d’action qui en découle, les principes qui la régissent, donnent à voir une action “ en marge “, décalée des autres interventions de l’action sociale, qui interroge le pourquoi de cette position.

‘“ Les jeunes concernés...ont besoin de repères, d’un espace et d’un temps transitionnel hors structure... L’association et les équipes se doivent d’expliquer aux élus que le travail de rue se situe en marge...des dispositifs et des institutions“. ( 32 )’

Notes
32.

DECLERC Patrick . De l’ambiguïté de la pitié . Revue Ingérence.