CHAPITRE 1 : PÉDAGOGIE ET EDUCABILITE

La pédagogie est souvent critiquée ; elle ne laisse personne indifférent. En effet, elle remet en cause d’ancestrales certitudes. Elle peut être déstabilisante pour ceux qui ferment les yeux en voulant croire que l’égalité décrétée comme un voeu pieux (sans rechercher réellement les éléments constitutifs de la réussite de tous) ne fait en réalité que renforcer les handicaps socio-culturels et, par là même, les échecs scolaires massifs. Ainsi, ils se réfugient en toute bonne conscience derrière une analyse des faits qui présente ce phénomène en termes de reproduction des modèles sociaux. Certes, nous souscrivons partiellement à cette analyse ; il existe bien une reproduction sociale, cependant, il ne peut être concevable que l’Ecole utilise cette unique explication de l’échec scolaire. Cet argument ne peut être que le point de départ d’une réflexion sur le caractére non-inéluctable de l’échec scolaire, ce qui lui permettrait d’adapter ses pratiques et sa pédagogie face à cette réalité. Nous avons la prétention de penser que l’Ecole reste un lieu de prise en compte de la réalité sociale, et non un lieu de discrimination sociale. La pédagogie est donc, parfois considérée, comme le domaine réservé de quelques intellectuels utopistes, ne croyant pas en la fatalité. Ces pédagogues ont souvent été taxés de démagogues, et ce, non pas dans un souci poétique de recherche de rimes, mais tout simplement parce qu’ils s’intéressaient aux problèmes d’échec scolaire et à la réussite scolaire de tous les enfants. Peut être retrouvons-nous là une réaction des modèles sociaux dominants.Comme nous le disions précédemment, il y a un courant d’idées au sein de l’Education Nationale qui tend à faire penser que ces pédagogues étaient et restent de doux rêveurs croyant que l’être est modifiable et éducable. Cette position fataliste nous semble trop simple. Elle est de surcroît très confortable car, quoi que fasse un éducateur ou enseignant non sensibilisé à la recherche de nouveaux outils pédagogiques pour la réussite de ses élèves, il pourra toujours se retrancher derrière la sacro-sainte explication environnementaliste qui prédomine encore, et dénigrer en toute bonne foi les effets parfois dérangeants de la pédagogie qui laisserait entrevoir un discours facile. Pour notre part, plutôt que de souscrire à ce positionnement simpliste, nous préférons chercher des solutions pédagogiques avec quelques indicateurs d’une issue possible. Notre pari sera donc celui de l’éducabilité et de la modifiabilité.

Afin d’éviter toute ambiguïté sur le terme “éducabilité”, une précision est nécessaire nous ne défendons nullement une utopie pédagogique vénérant l’enfant, le tout sur un discours de fond démagogique, qui tendrait à prouver qu’il est naturellement bon. Ce serait donc la seule action de l’adulte et de l’éducateur qui le pervertirait ( thése que défendait Rousseau en matière éducative.)

Nous pouvons néanmoins nous interroger sur ce que nous représentons pour les enfants et sur la nature des images que nous leur donnons des adultes. L’éducabilité suppose, pour nous, que tout être est éducable, contrairement à une théorie négative relative aux sujets jugés inéducables. Nous le répétons, aucune éducation ne serait possible si tel n’était pas le cas. L’action éducative vise donc des valeurs, des idéaux, des objectifs. Un des objectifs du travail social et éducatif en Prévention Spécialisée est l’autonomie de l’autre, ce que l’on peut résumer par la formule “faire avec et non à la place de ... “ , dans le but d’obtenir de la part du sujet, une capacité à gérer ses actes. L’action éducative sera alors un moyen de faire un choix, de l’assumer par la suite et donc de conquérir sa liberté.

C’est la raison pour laquelle, il nous a paru intéressant, dans le cadre de notre action de prévention spécialisée et de la lutte contre l’échec scolaire, d’utiliser différents moyens de remédiation pédagogique dont le programme d’enrichissement instrumental (PEI)