Les conséquences de ces actions :

Les habitants des quartiers, notamment à Bellegarde sur Valserine, ont accepté de prendre en compte les effets positifs de cette action. Nous pouvons analyser cela en deux temps :

  • D’une part, diverses activités ont été proposées aux enfants et aux jeunes : accueil des enfants et jeunes en fin d’après-midi, sorties, camps, animations les mercredis après-midi.
  • D’autre part, une réelle prise de conscience de la part des jeunes qui sont partie prenante du projet qui leur est proposé, en attendant qu’une association se crée pour gérer le futur équipement, dont les travaux seront bientôt achevés.

La confiance que les jeunes ont en nous et le respect mutuel ont été déterminants dans ces actions. Les analyses de leur propre situation ont incité les plus âgés à investir, par effet de transfert, dans la scolarité de leurs jeunes frères et soeurs. C’est ainsi que la première demande des plus jeunes était une aide aux devoirs. Elle n’émanait alors que d’un groupe très restreint d’enfants. A partir de ce constat, nous avons répondu ponctuellement à cette demande d’ordre purement scolaire. Le soir, après l’école, les enfants venaient dans “la salle“ pour faire les devoirs. Ils sondaient leurs difficultés et nous testaient simultanément pour évaluer les limites de notre compréhension, de nos compétences ou incompétence face aux énoncés incompréhensibles, même pour nous. Mais notre action ne pouvait se limiter à une simple aide aux devoirs, pour la raison suivante : nous avons constaté que, pour la lecture, les enfants savent relire leur texte sans pour autant comprendre ce qu’ils lisent. Ce leurre, dont personne n’est dupe, ni l’enfant, ni les autres, résout peut-être un certain nombre de difficultés, en particulier de ne pas se sentir en état d’infériorité puisqu’en classe les enfants lisent à peu près comme les autres ou encore de passer dans la classe supérieure tout en ayant une carence importante dans les acquis fondamentaux. Il faut reconnaître que nous mêmes, nous nous sommes parfois retrouvés dans la situation de parents qui cherchaient à résoudre un problème de robinets qui fuyaient inexorablement, et sentions l’inondation toute proche !... Devant ce sentiment d’insatisfaction, nous commencions à douter de l’efficience d’une telle action.

Nous avons constaté que ce type de soutien, bien que rassurant pour les enseignants, les parents, les grands frères et nous mêmes, n’avait pour résultat que d’enfoncer un peu plus les enfants dans leurs difficultés scolaires. Devant ce constat, devions nous continuer ? Poursuivre nous mettait en position de complice d’un système, et nous impliquait dans une dynamique d’échec par le fait que nous ne faisions que reproduire le schéma de l’école. Après 6 heures de classe, ces enfants avaient besoin d’autre chose et il semblait illusoire de penser enrayer l’échec scolaire en poursuivant dans cette voie. Une action qui a le souci d’être éducative ne peut légitimer cela. Nous avons constaté que le retard scolaire avait, chez ceux qui le subissaient, des conséquences autres que de ne pas posséder les connaissances nécessaires à leur réussite scolaire (ce qui, évidemment, est loin d’être négligeable). Le sentiment d’échec, d’infériorité, les conduisait à un repli sur eux mêmes, à un rejet d’un monde qui ne les comprenait pas, autant d’obstacles pour leur épanouissement futur. Cependant, les demandes de soutien scolaire s’accroissaient ; la situation nous a amenés à la réflexion suivante :

  • Devions-nous nous substituer à l’Ecole, en risquant implicitement de donner aux enfants le sentiment que nous reconnaissions et acceptions les carences réelles ou supposées de celle-ci, en la disqualifiant irrémédiablement à leurs yeux si nous proposions de nous substituer à elle ?
  • Cependant, pouvions nous refuser de répondre à cette demande spontanée et volontaire d’enfants qui ressentaient des difficultés et avec qui nous avions une profonde relation de confiance, avec, de surcroît, l’assentiment des parents et grands-frères ?
  • Dans ce rapport avec ces enfants, était-il honnête de limiter notre réponse à des propositions de loisirs ?

Notre réponse fut : nous n’avions pas le droit de nous substituer à l’’institution scolaire. Cependant, il nous semblait impossible d’ignorer et de ne pas prendre en considération cette demande volontaire. Nous devions y répondre en interrogeant les parents et l’Ecole positivement, afin de ne pas les écarter de la réflexion à mener devant ce constat et d’éviter ainsi de créer un dilemme ingérable pour les enfants. D’autre part, il nous paraissait intéressant de saisir l’opportunité de la synergie mise en place dans les quartiers pour créer des interactions : École, Famille, Quartier.

Les instituteurs et les parents furent donc associés. Il restait à nous donner les moyens de notre politique. Il nous fallait des locaux, des financements et des projets d’action.

Nous avions déjà les locaux dans les quartiers, après le montage des projets, nous avons donc cherché des financeurs possibles. Notre projet d’action coïncidait avec un financement qu’octroyait le FAS (Fonds d’Action Sociale) pour des actions regroupées sous l’appellaton Animation Éducative Péri-Scolaire.