3) Constatations des changements

Au regard des échanges et de la participation de chacun, nous constatons les évolutions suivantes :

D’une expérience d’apprentissage dans une relation duale, nous notons une participation importante à des groupes d’échanges collectifs : groupe santé, randonnée pédestre, soutien scolaire, échange Bible-Coran, implication dans le groupe d’animation lui même. Cette demande répond au désir des personnes de “ profiter ” de la richesse du projet pour diversifier leur réseau relationnel, entrer en lien en dehors de leur lieu d’habitation et de leur milieu, confronter des idées, des expériences de vie. Les groupes se sont constitués à partir de préoccupations ou d’intérêts communs, du désir de découvrir et partager ensemble une même passion, de répondre à la demande insatisfaite d’un groupe dans d’autres lieux :

Il s’agit de “profiter” du Réseau pour se mettre en lien avec d’autres que l’on n’a pas l’occasion de rencontrer ailleurs ou avec qui les relations seraient différentes dans d’autres circonstances.

Expérimentation de la réciprocité et de la parité :

A partir d’une demande de savoir ou d’une offre unique, les personnes expriment des demandes et offres nouvelles. Elles expérimentent, à plus ou moins long terme, la réciprocité. Cette évolution est liée à l’intérêt suscité pour la démarche de circulation des ressources humaines ; la découverte du potentiel existant dans le projet ; la première mise en pratique, dans un échange, d’une démarche d’apprentissage vécue comme positive. Il s’agit de la découverte du champ du “ possible ”, d’une “nouveauté ” à explorer.

L’attitude du “Je ne sais rien” concernant les personnes en situation d’insertion a évolué vers l’expression de savoir-faire, et/ou expériences de vie enfouis ou non repérés comme ressources personnelles à exploiter. Parallèlement, là où l’expression de leurs manques était difficile pour certains, parce que vécue comme dévalorisante, puisque renforçant le sentiment d’échec et l’image négative de soi, nous constatons l’entrée dans une démarche d’apprentissage. A travers la transmission, les personnes se découvrent “capables de ...”. L’acquisition d’un nouveau savoir est moins vécue comme un manque à combler que comme la possibilité de développer ses capacités pour avancer. Les participants, habituellement dans une relation d’aide, de par leur implication dans le tissu social, expriment des demandes qui les placent dans une situation de parité avec l’autre (repéré à travers un “ stigmate ” social ). Cette évolution correspond à la conscience que l’on ne sait pas tout et que l’on peut apprendre tout au long de sa vie et enrichir ses connaissances. Accepter d’apprendre de l’autre, c’est faire preuve d’humilité, en le reconnaissant non plus à travers sa souffrance ou sa fragilité (désignées alors comme une fatalité qui rend les situations immuables) mais capable de changement. C’est savoir “voir” à travers l’autre, aller au-delà de “l’image”, du “paraître” dans un esprit de curiosité et un souci de “comprendre”. De là découle l’accès à la connaissance de soi et des autres, expérimentée dans un aller-retour permanent.

‘ELISE : “ Viennent aux randonnées des personnes de tous milieux, de toutes classes sociales. C’est très important, le mélange des personnes qui sont bien placées et qui sont un petit peu, dans leur vie, parce qu’elles travaillent dans une institution ou dans une administration, les guides pour les autres. Elles deviennent, dans le Réseau, le contraire ; et les personnes, qui viennent à l’administration comme demandeuses, sont, maintenant, des personnes qui offrent. Et c’est très bon.”’

Le Réseau modifie la demande de consommation et d’assistance en terme de responsabilité de prise de pouvoir sur les choses, de participation.