CHAPITRE 3 : APPROCHE PHILOSOPHIQUE DE L’EDUCATION

3.1 Qu’est-ce-que l’éducation ?

Le mot a subi l’influence de plusieurs étymons. En premier lieu, le verbe latin “educare” signifie élever des plantes ou des animaux et par extension, s’occuper des enfants. Une autre interprétation nous propose également “educere“ : action de mettre dehors, faire sortir, si celle-ci ressemble à la méthode moderne anglo-saxonne d’animation de réunions : le “brainstorming“. Enfin, elle peut aussi faire référence à une méthode employée pour canaliser les élèves turbulents ou également renvoyer à la notion d’autonomie. Éducation vient du latin “educatio”, action de former, d’instruire. voire de transmettre les bons usages d’une société ; être bien éduqué c’est connaître les régles du savoir vivre par opposition à manquer d’éducation. Cela fait appel à une notion du 19 ème siècle : le savoir vivre, qui renvoie également à une notion de classe sociale, notamment la classe dominante, avec ses valeurs, ses normes ou rites d’appartenance. Nous connaissons également, le mot anglais “éducation“. Il correspond à l’institution, système scolaire, ou universitaire : il s’agit bien de l’action d’instruire. Cependant, des différentes acceptions du terme éducation, subsiste une question : une personne bien éduquée ou bien élevée est-elle instruite et, de ce fait, est- elle formée ? Afin de tenter une réponse, nous envisagerons de reprendre des synonymes du verbe éduquer : élever, instruire ou enseigner et former .

Élever, c’est bien souvent faire de la prose sans le savoir ! C’est l’éducation minimale de base dispensée au sein de la famille ; elle est spontanée, voire instinctive: parler à l’enfant qui apprend ainsi le langage et la communication avec les autres, jouer avec lui, afin de l’amener à se repérer dans l’espace et développer la conscience qu’il a de lui même et des autres, prodiguer de la tendresse, ce sont des actes éminemment éducatifs. Lui apprendre à se nourrir, provoquer le mimétisme à travers différents actes de la vie quotidienne : hygiène, comportement, respect, etc ...font partie de l’éducation qu’il reçoit dés son plus jeune âge. Élever n’est pas dresser car l’éducateur respecte l’ambition, suscite la curiosité et exalte le sentiment de vivre. Cette étape est primordiale pour l’enfant.

Comme enseigner est un acte beaucoup plus intentionnel, la loi autorise les parents à donner cette instruction durant le primaire. En réalité, hormis le fait de maîtriser les matiéres à enseigner, il n’est pas inné d’avoir le sens de la pédagogie. Élever et enseigner, bien que complémentaires, sont deux notions distinctes. Pour des raisons de patience, d’anxiété ou de conceptions archaïques de l’enseignement de la part des parents, il n’est pas, dans la majorité des cas, souhaitable que ceux-ci le dispensent à leurs enfants. A trop vouloir atteindre certains objectifs, qui sont le plus souvent d’ordre emblématique pour les parents, on obtient souvent l’inverse du résultat escompté en sus des blocages. L’enseignement se déroule donc le plus souvent au sein d’une institution. Cet acte d’enseigner suppose des finalités, des objectifs et des méthodes (que nous verrons par la suite).

Former est une notion très à la mode : dispositifs de formation, stage de formation, formation continue etc ... comme si celle d’enseigner ne suffisait plus, renvoyant à l’enseignement un sentiment d’échec. Estimant que formation et enseignement recouvrent deux réalités différentes, il ne nous parait pas opportun de les opposer. Nous tenterons une définition en comparaison avec les deux premiers synonymes proposés. La formation est une notion qui fait référence à la permanence (formation permanente) puisqu’on devrait pouvoir se former sur la durée d’une vie. Elle peut également correspondre à des actions de recyclage. Mais elle renvoie aussi à la notion de fonction sociale : elle peut être professionnelle, sportive, technique, militaire, universitaire etc... Est ce une forme d’enseignement ? Cette différence suggère un rapport d’exclusion : “on enseigne à quelqu’un”, ici, l’objet de l’enseignement est l’élève, “on forme à quelque chose“ ; l’objet visé n’est plus la personne mais la fonction sociale.

Nous voyons donc que les trois termes s’opposent car ils ne portent pas sur le même objet. La très grande spécialisation que requiert la technologie moderne, comporte un risque d’éclatement de l’éducation. Le fait d’opposer ces trois termes les met également en position de complémentarité ; cependant, cela ne nous permet pas de les regrouper sous une définition unique. Nous rechercherons donc ce qu’ils peuvent avoir en commun.

Quoi qu’il en soit, être élevé, recevoir un enseignement ou être formé, c’est acquérir un savoir qui, semble-t-il, unifie ces trois actions. Celui qui détient un savoir progresse et se dépasse, c’est-à-dire développe les possibilités que chaque être possède au fond de lui même. Ce savoir, on l’obtient tout au long de sa vie d’homme et nous apprend à grandir en homme. Ainsi, si nous souhaitons affiner notre approche de l’éducation, il nous semble impossible de ne pas nous interroger sur ce que recouvre la notion “d’homme“, avec l’incontournable questionnement : est-on homme par nature ou par culture ?