5.1 : Le concept d’échec scolaire

Tout d’abord, il nous semble nécessaire de distinguer, comme Philippe MEIRIEU, l’échec de la difficulté scolaire, car ils ne recouvrent pas la même réalité. Le premier fait référence à un mal plus profond et nécessite une pédagogie spécifique à mettre en place, alors que le second conduit à une aide plus ponctuelle. En outre, on confond trop souvent, car cela est plus arrangeant, la déficience intellectuelle avec le déficit pédagogique. Nier cette distinction revient à faire revivre, un processus de pathologisation de l’échec scolaire datant de la pédagogie normative de la III ème République, à l’enfant qui, mettant en échec l’apprentissage scolaire ne peut qu’être anormal.

Plus communément, la notion d’échec scolaire se retrouve au sein de deux analyses :

  • L’une fait apparaître une difficulté d’ordre purement cognitif : l’enfant ne maîtrise pas les pré-requis et n’intégre pas les processus d’apprentissage.
  • L’autre invoque une difficulté d’ordre “environnemental” : (difficultés d’ordre médical, inadaptation sociale ou scolaire, exclusion, conflit familial et tout événement ou situation susceptible d’enrayer l’épanouissement de la personnalité de l’enfant).

Cependant, il n'existe pas de définition-type de ce concept que nous qualifierons de “concept à tiroir”. En fait, il est étroitement lié au système éducatif, à ses objectifs et à son évaluation. Nous essayerons donc d’en sérier les différents aspects :

  • il est relatif à des difficultés d’acquisition des connaissances ou à des difficultés d’adaptation à l’école.
  • il est stigmatisé par les mauvaises notes, le redoublement, le comportement, le retard cumulatif.
  • il est le résultat d’une situation en cours ou en fin d’apprentissage.
  • il peut être massif et permanent, ou ponctuel et partiel, avec des variantes suivant l’âge
  • il peut être jugé inéluctable, dramatique, irréversible, ou, au contraire, non fatal, donc avec une possibilité d’y remédier.

Il s’agit en fait d’un double concept, qui correspond soit, à un état de fait visible, par exemple : un enfant qui rencontre de grandes difficultés d’ordre cognitif dans l’apprentissage de la lecture serait prédestiné à l’échec scolaire donc social, soit invisible et donc, une déduction fataliste : l’échec social implique l’échec scolaire .

La distinction entre ce qui est visible et ce qui ne l’est pas rend l’analyse et la recherche très ambiguëes. Les différents indicateurs prouvent à l’évidence que ce phénomène n’est ni simple ni homogène dans l’observation et donc, a fortiori, dans la solution ou les solutions à envisager. L’échec scolaire relève de plusieurs définitions et indicateurs, suivant la façon dont il est envisagé : par rapport à l’individu, au système éducatif ou au coût économique au sein même de la société :

  • En ce qui concerne l’élève :

La définition est alors globale, individuelle : elle concerne en premier lieu des comportements et des caractéristiques d’ordres médical, cognitif, psycho-sociologique ou culturel, repérables dans le champ scolaire, mais également en dehors de celui-ci. L’échec social de la famille, renvoie au côté symptomatique et amplificateur de l’échec scolaire lien logique d’un mal être de l’enfant. L’école en est alors le lieu privilégié d’expression. Cette approche sera surtout le fait des psychologues, pédagogues, travailleurs sociaux, sociologues et médecins.

  • Pour le système scolaire :

La notion d’échec scolaire renvoie l’institution scolaire à son propre fonctionnement. Le système éducatif est là en cause par son incapacité à s’adapter, à cerner de nouveaux objectifs de formation en fonction des nouvelles données, tant sociologiques qu’économiques. Le manque de formation des enseignants, entre autres, explique qu’ils sont, ignorants de ces nouvelles exigences pour répondre à ces nouvelles exigences. Cela peut également résulter de l’inertie d’un système unique, rigide et clos en grande difficulté, pour cerner la mesure de la réalité extérieure. C’est là le point de vue des pédagogues, de certains enseignants, de sociologues, travailleurs sociaux, des responsables politiques et parfois du secteur économique.

  • Pour la société dans son ensemble

C’est la réalité socioculturelle, économique et l’appareil de formation qui ne sont plus en phase avec l’évolution de notre société et, par conséquent, ne répondent plus que partiellement à ses besoins. C’est également le coût humain, économique et social qui est en jeu. A l’heure actuelle, toutes ces données constituent le champ de prospection des sociologues, des philosophes, des économistes, des politiques et également de certains pédagogues et chercheurs en sciences de l’Education.

Afin d’aller plus loin dans notre analyse, nous tenterons maintenant de procéder à une classification des déterminants de l’échec scolaire. Nous en retiendrons deux types : individuels et institutionnels.