L’approche psychanalytique

Tout désir d’apprentissage est sous-tendu par la curiosité, par le désir de comprendre le monde environnant. Freud, en considérant la vie intellectuelle, parle de l’inhibition en tant qu’expression d’une limitation fonctionnelle du MOI, de blocage dans la capacité à penser, qui peut aboutir à la débilité. L’inhibition scolaire marque l’élève, aussi bien dans ses comportements intellectuels que dans ses comportements sociaux. L’élève souffre et se comporte de telle façon qu’il se retrouve isolé socialement, sans copains, ce qui renforce encore son exclusion.

La psychologie indique que, d’une façon souvent très régulière, les enfants en situation d’échec scolaire présentent des comportements psychopathiques. Comme nous l’avons évoqué précédemment, leur première perception du monde, passe par l’Ecole. C’est la raison pour laquelle, Ils ne peuvent vivre celle-ci que comme un lieu d’angoisse, d’agression et de combats constants. Cela induit souvent un comportement de défense vis à vis de tout le monde, qui se traduit par un climat d’agressivité soit verbale (insultes, injures) soit physique (bagarres, coups de couteau, vandalisme etc...). Cette réalité entraîne chez les jeunes un difficile rapport à la loi et leurs actes ont en conséquence une signification antisociale. Les psychologues analysent fréquemment ces comportements en termes de sentiment d’abandon dans la période de petite enfance. Ces tendances psychopathiques sont analysées par WINNICOT : pour lui, l’enfant dans son histoire doit prendre conscience du fait qu’il n’a pas créé ses parents et que cette désillusion doit être vécue dans la petite enfance. L’enfant psychopathe, du fait de l’absence de ses parents, est par conséquent dans l’impossibilité de vivre cette illusion de création parentale. Il ne pourra donc vivre cette désillusion ; il restera dans sa toute- puissance et ainsi rien ne pourra jamais l’atteindre.

L’élève psychopathe ou caractériel souffre d’un dysfonctionnement du moi. Les psychologues se posent la question de savoir, comment un enfant qui dépense une telle énergie pour installer une si lourde stratégie comportementale d’échec peut réussir à l’école. Cela leur semble une gageure. Ils expliquent donc l’échec scolaire par un grave dysfonctionnement mental, qui représente un obstacle à l’apprentissage.

Les théories psychanalytiques puisent leurs sources dans des dysfonctionnements affectifs dont l’origine archaïque se trouve dans la relation père, mère, enfant. C’est donc auprès de cette source que nous trouverons une interprétation possible de l’échec rencontré face à l’apprentissage. Ces théories mettent également en évidence, la notion de symbolisation. Il est à noter que l’école fait souvent appel aux symboles : phonétiques, graphiques, mathématiques, etc ... L’absence de symbolisation ou d’aptitude à les utiliser trouverait son origine dans une difficulté de représentation paternelle. Il serait intéressant de mener une recherche (peut être future) qui mette en parallèle l’échec partiel en mathématiques, le rapport des mots et des symboles (enlever, soustraire, diviser, ôter, multiplier) et les conflits oedipiens au sein de la famille. LACAN analyse dans ce travail de représentation, de substitution, l’importance du symbole en tant que métaphorisation du désir. Le symbole est le mot, le mot est en quelque sorte le meurtrier de l’objet, puisqu’il le remplace et le rend abstrait. Si l’enfant n’a pu opérer cette “navette“ entre le symbolique et l’objet, la conséquence sera la prééminence d’une pensée aux mécanismes primaires.

Françoise DOLTO pensait que : “ - Tout apprentissage répond à un désir de la part de celui qui veut acquérir une connaissance et la psychanalyse nous a enseigné que ce désir peut se manifester par des pulsions. “ 70 ). Elle développe ainsi deux concepts, celui de pulsions actives et celui de pulsions passives.

Selon son analyse, une explication possible de l’échec scolaire résiderait dans le fait que notre système scolaire ne prendrait en compte que l’une de ces pulsions : la pulsion active. Or “ - certains enfants ne peuvent pas ou pas encore répondre par ce mode de libido , que l’on veut leur voir exprimer, et paraissent ainsi des enfants retardés “ ( 71 ). Il semble que “ - les raisons, les motivations d’un être humain-enfant sont, jusqu’à la fin de la résolution oedipienne, surtout des raisons émotionnelles et affectives.“ ( 72 )

Françoise DOLTO émettait l’hypothèse suivante : après la résolution oedipienne, les motivations deviennent beaucoup plus raisonnées, l’enfant a intégré l’acceptation de l’interdit de l’inceste et a pris conscience qu’il doit vivre ses amours ailleurs. Cette réalité nécessite des moyens extérieurs. Ainsi, il entrevoit mieux pour lui les finalités liées à l’apprentissage et les moyens d’autonomie qui en découlent. Si l’apprentissage didactique intervient trop tôt dans sa vie, il ne pourra lui donner une finalité et n’aura donc aucun intérêt à apprendre, voilà une nouvelle porte ouverte à l’échec scolaire.

C’était, paraît-il, le cas d’Albert EINSTEIN, qui ne refusait pas l’école, il y était heureux mais n’y faisait rien, si ce n’est rêver, au grand désespoir de ses instituteurs. Blaise PASCAL (roseau pensant), qui étudia à dix-huit ans le problème du “vide“, rencontra aussi des difficultés à remplir son esprit avec ses “pulsions passives“. Il fut exclu de l’école, qui ne supportait plus ses “pulsions actives désordonnées“. Son père, devant cette triste réalité, devint par obligation son précepteur et eut beaucoup de mal à accepter les “pulsions passives“ de son génie de fils.

Notes
70.

Françoise DOLTO . "L'échec scolaire, essais sur l'éducation", Paris, Ergo Press. 1989 Page 13.

71.

Ibid Page 14

72.

Ibid Page 15.